Stephen Sayadian : « J’ai toujours voulu être un cinéaste de l’underground »

Stephen Sayadian est l’homme de deux films cultes de l’underground et du cinéma de minuit : Café Flesh (1982) et Dr Caligari (1989), qui font l’objet d’une luxueuse édition en coffret Blu-ray distribué par Carlotta. Artiste polyvalent, autant metteur en scène que chef décorateur, scénariste, dramaturge, affichiste, satiriste pour magazines masculins (entre autres attributions), il est devenu l’égal de David Lynch, Alejandro Jodorowsky et John Waters dans le cinéma de genre et pourtant, son œuvre a longtemps été invisible.
Café Flesh, film de science-fiction surréaliste et pornographique aux scènes de sexe « les plus ennuyeuses de toute l’industrie du X », nous transporte dans une société américaine post-guerre nucléaire, dans laquelle 99 % de la population (dits les « négatifs ») ne peuvent plus s’accoupler sans tomber gravement malade. Les autres (« les positifs ») sont contraints de copuler sur scène pour faire fantasmer la majorité nostalgique.
Dr Caligari, quant à lui, a lieu au sein d’un hôpital psychiatrique kitsch. Le Dr Caligari (petite-fille du fameux Caligari de Robert Wiene), psychiatre de son état, a inventé un procédé consistant à transférer les hormones cérébrales d’un patient à un autre. Ainsi va-t-elle inverser les personnalités d’un psychopathe cannibale et d’une femme au foyer nymphomane.
C’est à l’occasion de sa carte blanche dans le cadre de l’Étrange Festival (qui a lieu tous les mois de septembre au Forum des Images) que la revue À Rebours a pu échanger avec Stephen Sayadian, aka Rinse Dream.

                                         

À Rebours : Avant de parler de vos films et de votre carrière, commençons par évoquer l’Étrange Festival, dont vous avez été l’un des invités cette année. En quelques mots, que représente ce festival pour vous ? 

Stephen Sayadian : Ce festival signifie beaucoup, car c’est là que j’ai fait ma première apparition publique en 2013, après dix ans d’une maladie qui m’a tenu éloigné de tout : des plateaux de tournage et du public. C’était comme une renaissance. Le public était si chaleureux et aimant, et cela m’a fait tellement plaisir qu’on se souvienne de moi. J’ai aussi été très ému de voir qu’il y avait des jeunes dans le public qui connaissaient mes films. Je dirais que l’Étrange Festival occupe une place très spéciale pour moi. Ces dernières années, Café Flesh et Dr Caligari ont été présentés dans de nombreux festivals (Venise, Berlin, Lisbonne, Bologne, Off Screen à Bruxelles, Lausanne, l’Institute of Contemporary Art à Londres), mais ce festival est celui qui me tient le plus à cœur. J’étais très enthousiaste lorsqu’ils m’ont invité une deuxième fois.

Vous avez eu plusieurs vies avant de vous lancer dans le cinéma : photographe, rédacteur de blagues pour les emballages de chewing-gums Bazooka et surtout satiriste chez Hustler. Vous aviez auparavant essuyé des refus à vos demandes de collaboration chez Mad Magazine, National Lampoon et même Oui. Étiez-vous déjà à l’époque trop radical dans votre manière de concevoir l’humour et la satire ?

Stephen Sayadian à l’Étrange Festival, 9 septembre 2025 © Guillaume Narguet

Je ne pense pas. C’est surtout que ce que je soumettais aux magazines n’était pas assez bon. À l’époque, je trouvais ça formidable, et quand tout a été refusé, j’ai failli fondre en larmes. Je n’avais que 17 ou 18 ans, je ne comprenais pas pourquoi on ne me publiait pas. Je ne voyais alors aucun intérêt à devenir photographe, même de cinéma. Ce que je voulais, c’était être réalisateur et travailler avec un photographe de plateau (qui m’aurait servi de directeur de la photographie, ce qui est très inhabituel). J’ai quand même fait de la photographie, mais je ne voulais pas avoir à me concentrer sur ses aspects techniques, je préférais travailler sur l’image et la lumière. Pour en revenir à mes débuts, je dirais que ma plus grande influence a été le magazine français Hara-Kiri. J’étais peut-être le seul abonné en Amérique… Je l’avais découvert à Londres en 1973 dans un club ; il y avait là une Française qui portait un sac avec un exemplaire du magazine. J’ai vu la couverture, je l’ai regardée et j’ai trouvé ça génial ! Ils faisaient ce que personne n’avait vraiment fait aux États-Unis à l’époque : mettre une photographie en couverture et y ajouter une phrase choc pour un effet comique. C’était comme une bande dessinée, mais avec des photographies. J’ai donc commencé à développer cette méthode à mon retour aux États-Unis. Mais je voulais quand même devenir cinéaste, artiste visual et satiriste, peu importe l’ordre dans lequel cela se produirait. Outre Hara-Kiri, Les Diables de Ken Russell m’a également beaucoup inspiré. Je l’ai vu pour la première fois en 1971, au lycée. Ces images époustouflantes ont radicalement changé ma vie. J’avais déjà vu des films de Fellini, mais il y avait là quelque chose de différent : beaucoup de jeunesse, d’énergie et d’audace. Je dois avouer que je prenais aussi du LSD, ce qui a peut-être joué un rôle important dans cette appréciation. Je ne savais pas vraiment si mon admiration était due au film ou au LSD. Je suis donc retourné voir le film la semaine suivante sans rien prendre et je me suis dit : « Ah, c’est bien le film. »

En parlant d’influences, connaissiez-vous les films de Dario Argento et Mario Bava ? Car en termes d’utilisation des couleurs, toujours très vives, cela peut nous rappeler les gialli des années 60 et 70.

Oui, mais cela ne m’a pas vraiment influencé, car j’avais déjà une idée du style que je voulais developer dès mes débuts. J’ai toujours voulu acquérir un style caractéristique, qui permettrait aux gens qui regardent mes photos, mes films ou mes pièces de théâtre, de se dire : “c’est bien la touche Sayadian”, qu’il apprécie ou non ce style d’ailleurs. Je ne vivais que pour ça, je n’avais aucune polyvalence. Il m’aurait été difficile de réaliser un film classique. Quand je tourne, je filme comme s’il s’agissait d’une série de photographies que j’assemble et que je fixe dans le cadre. Pour moi, il n’y a qu’un seul angle de prise de vue dans chaque image.

C’est pourquoi vous travaillez exclusivement avec des storyboards.

Oui. Il m’arrive parfois de m’écarter du storyboard, même si je n’aime pas ça. Ce que je veux, c’est essayer d’obtenir des couleurs qui jaillissent de l’écran. Il m’a fallu des années pour vraiment maîtriser cette technique. Il ne s’agit pas seulement de peinture, comme on peut penser. Tout réside dans la maîtrise de la lumière et des noirs. Les couleurs vives doivent être contrastées avec quelque chose de très sombre pour pouvoir bien ressortir. J’avais l’habitude de mélanger mes propres peintures pour être sûr de leur qualité. Par exemple, l’une de mes astuces, à l’époque, consistait à utiliser un fond vert. Il existait des peintures Chroma Key spécialement conçues pour les arrière-plans. Aujourd’hui, les écrans verts sont devenus très communs. Et c’est au moment de Caligari que j’ai enfin trouvé la bonne formule. Et pile au moment où j’étais prêt à me lancer avec Jerry [Stahl][1] dans notre prochain film, je suis tombé malade et j’ai dû quitter l’industrie cinématographique…

Vous avez intégré Hustler de Larry Flynt en 1976 et vous en devenez le directeur artistique en charge de la publicité. Votre premier travail a consisté à faire une campagne de publicité pour les vibromasseurs. Votre arrivée a-t-elle coïncidé avec un versant subversif plus assumé du magazine ?

Larry Flynt

Quand j’ai rejoint Hustler, j’avais 22 ans. J’avais essayé d’obtenir un rendez-vous et appelé le magazine pour demander à la réceptionniste s’il y avait un département éditorial humoristique auquel je pourrais montrer mon travail. Ils ont pensé que je faisais des bandes dessinées, mais ce n’était pas le cas. Je fais de la satire et de l’humour. Ils m’ont répondu qu’il n’y avait pas ce genre de rubrique. C’était très décourageant, mais j’ai quand même décidé de me rendre en voiture au siège du magazine. J’ai donc roulé pendant huit heures, avec mes oeuvres, jusqu’à Columbus, dans l’Ohio, jusqu’à un bar appartenant à Larry Flynt. Installer des bureaux dans un bar était pour le moins très inhabituel… Je savais que mes premières œuvres étaient médiocres. Mais au fil du temps, les rédacteurs de Mad, National Lampoon et d’autres magazines humoristiques m’ont écrit des messages encourageants. Mon savoir-faire s’améliorait petit à petit. Et j’ai alors compris que le secret était de montrer aux magazines exactement ce à quoi la page allait ressembler, sans jamais se limiter à des idées théoriques. Je faisais donc la photographie, la mise en page, et la typographie était toute prête. Cela ressemblait vraiment à une page de magazine. J’avais assemblé environ vingt planches satiriques que je comptais présenter. Une fois à l’intérieur du bar, j’ai demandé à rencontrer le dessinateur de Hustler. Bien sûr, j’ai prétendu que je faisais des bandes dessinées humoristiques pour avoir accès à lui plus efficacement… Je l’ai vu, j’ai ouvert mon dossier et je lui ai montré mon travail. Son visage s’est illuminé et il m’a dit : « C’est magnifique ! » Il l’a montré à Althea, la femme de Larry Flynt, qui m’a dit de repasser dans une heure. Quand je suis revenu, Larry était là ; il avait vu mon travail et m’avait rendu mon portfolio, bien fermé. J’ai de suite songé qu’il n’avait pas accroché. Il m’a dit d’ouvrir le portfolio. Toutes les photos avaient disparu. À la place, se trouvait un chèque de 2 500 dollars, ce qui représentait une fortune à l’époque. Larry m’a alors dit qu’il achetait le tout. Une semaine plus tard, il m’a appelé et m’a proposé une mission : lancer une agence de publicité. En effet, Hustler diffusait déjà des publicités (pour des cigarettes, des alcools, des disques…), mais les grandes entreprises faisaient pression sur Larry à propos de la nudité explicite, de l’humour subversif et même de la politique (Hustler était très à gauche, ce qui me convenait parfaitement, soit dit en passant…), elles ne pouvaient plus supporter sa « radicalité ». Il m’a donc demandé de m’inspirer d’autres magazines qui ne faisaient pas de publicité, mais du merchandising. Par exemple, Mad vendait des tasses, des t-shirts, etc. Larry imaginait qu’Hustler puisse vendre des sex toys, de la marijuana, du papier à rouler, toutes sortes de choses qui figureraient dans des publicités mensuelles. Voilà ce qu’il souhaitait que je fasse.

Bénéficiiez-vous d’une liberté totale ?

Tout à fait. Larry me laissait libre de faire tout ce que je voulais. Il se fichait complètement de savoir si cela se vendrait ou non. La seule règle qu’il m’imposait était de créer quelque chose de divertissant. Il voulait que les lecteurs prennent leur pied autant que possible. C’était un travail fait pour moi. Je me suis renseigné en consultant le type de publicités, très vulgaires, généralement publiées dans ces magazines vendus tout au fond des librairies pour adultes. Elles montraient toujours une femme tenant un vibromasseur ou en train de faire l’amour. Ce n’était pas du tout ce que je comptais faire, car ça n’avait rien d’amusant. Je me suis lancé dans la campagne, et mes oeuvres ont tout de suite remporté un franc succès. Elles ont fait gagner presque autant d’argent que le magazine seul. Pour citer un exemple : nous avons mis en place une campagne anti-tabac, non pas parce que nous étions contre la cigarette, mais parce que les grandes compagnies de tabac harcelaient Larry. J’ai réalisé une série d’environ vingt campagnes anti-tabac, qui ont toutes été très bien accueillies par les associations de lutte contre le cancer.

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Photo de Stephen Sayadian pour l’album Thing-Fish de Frank Zappa

Vous avez contribué au grand succès de Hustler, que vous quittez en 1978 après la tentative d’assassinat de Flynt et son retrait provisoire du journal. Vous avez alors réalisé des affiches de films comme Pulsions, Fog, etc. avec votre associé, le photographe Francis Delia, au sein du Wolfe Studio, la société de direction artistique que vous avez fondée, et qui se situait sur Hollywood Boulevard. Est-ce que cela vous a donné envie de faire du cinéma ?

Pas vraiment, je savais déjà que je voulais faire des films. Je voulais être artiste visuel. Mais j’ai grandi dans l’adoration du cinéma. Déjà dans mon enfance, je connaissais non seulement les films underground, mais aussi tous les films de studio. Il existait à l’époque six grands studios, et une demi-douzaine d’autres, surnommés les Poverty Row Studios. Je pouvais vous dire que telle star était employée par tel studio. C’est pour cette raison que j’aimais créer des affiches. J’ai quitté Hustler parce que Larry était à l’hôpital après avoir été blessé par balle et qu’il ne comptait pas revenir aux manettes. Sans lui, je n’aurais pas bénéficié d’autant de liberté créative. Alors que le magazine prenait de l’ampleur, son équipe grossissait de plus en plus et je ne voulais plus avoir à rendre de comptes à qui que ce soit. J’ai dit à sa femme que je continuerais à m’occuper de l’humour et de la publicité, mais sous contrat, et nous avons conclu un accord. Lorsque j’ai quitté Hustler pour m’installer à Los Angeles, le magazine est devenu mon premier client, et j’ai été sous contrat avec lui pendant environ vingt ans. En ce qui concerne le cinéma, cela s’est fait naturellement. J’avais une formation en arts visuels ainsi qu’en publicité. Les affiches constituaient donc une progression naturelle. Je me suis lancé dans ce domaine parce que l’industrie du cinéma classé X passait du 35 mm à la vidéo. Ils avaient besoin de jaquettes pour les vidéos. Dans notre studio, nous avons dû en faire une cinquantaine. Elles ont été très bien accueillies, et nous avons commencé à recevoir des appels de studios pour réaliser des affiches de films classiques.

Votre studio était à proximité des cinémas pornos et des night clubs punk rock comme The Masque. Est-ce que cela vous a permis de découvrir un nouvel univers, celui du monde punk underground, ou le connaissiez-vous déjà avant ?

Je le connaissais de réputation, mais je ne l’avais pas expérimenté à Los Angeles. À Columbus, dans l’Ohio, il n’y avait rien de tel. Mais j’ai toujours été passionné par la musique et je me tenais au courant des dernières actualités dans ce domaine. Je recevais des magazines musicaux anglais (The New Musical Express, The Melody Maker…) qui parlaient beaucoup de groupes punk comme les Sex Pistols en 1976-1977. J’étais un peu plus âgé que les punks, qui avaient pour la plupart 16 ou 17 ans. Ils zonaient autour de mon studio et se produisaient dans des salles de répétition. De plus, le propriétaire du Masque, un Écossais, avait son bureau à côté de mon studio. C’est l’emplacement, la géographie, qui m’ont fait entrer dans ce monde, car de nombreux groupes passaient par là. Bien sûr, ils n’avaient ni argent ni travail. Je leur confiais donc des petits boulots (conduire ou peindre des décors), ou je les embauchais comme assistants. C’est comme ça que je me suis familiarisé avec ce milieu, ce qui m’a été très utile lorsque j’ai commencé à faire mes propres films, puisque j’ai embauché la plupart d’entre eux pour jouer les figurants.

Vous travaillez sur Nightdreams, votre premier film, pour lequel vous êtes co-scénariste. Le contexte est assez rocambolesque puisque c’est une maison de production de films pornos mafieuse qui vous a financé à hauteur de 60 000 dollars en liquide. Comment cela s’est-il passé ?  

J’étais davantage qu’un co-scénariste. La seule raison pour laquelle je n’ai pas réalisé ce film, c’est parce que j’avais déjà trop de responsabilités. Frank Delia a dû s’en charger, car la réalisation était une tâche très facile. Nous avons obtenu 60 000 dollars pour réaliser ce film en 35 mm, qui m’ont été remis non seulement en espèces, mais surtout en petite monnaie, car l’argent provenait des recettes d’un peepshow. Mais c’était autant mon film que le sien. Frank a fait un travail extraordinaire sur l’éclairage en 35 mm, il mérite tout le crédit, mais le film n’a jamais été vu (sauf au cinema à sa sortie) car le négatif a été perdu. Nous ne pouvons même pas le restaurer, nous ne disposons pas de tous les éléments nécessaires. Et pourtant, nous sommes proches du but ; nous attendons d’obtenir une bobine supplémentaire et ensuite, avec un peu de chance, nous pourrons peut-être le restaurer. Autre difficulté : je possède les droits de diffusion de Café Flesh et Dr Caligari, mais pas ceux de Nightdreams, bien que j’en détienne les droits d’auteur. Personne ne peut le faire sans moi. C’est dommage, car il était vraiment superbe. J’espère que cela se fera bientôt…

On a mentionné un budget de 60 000 dollars, ce qui est très modeste. Mais le manque de moyens n’a jamais freiné votre créativité, au contraire même.

© Stephen Sayadian

Tout à fait. Cela aurait cependant pu poser un problème. Nous avons tourné Nightdreams en six jours. Frank, qui s’occupait de la caméra, était un bon directeur de la photographie, mais pas un très bon caméraman. Il pouvait s’en charger, mais il aurait préféré avoir quelqu’un d’autre sous la main, et moi de même. Or, nous n’avions pas le budget nécessaire, donc Frank a dû assumer les deux rôles. L’équipe ne comptait qu’une dizaine de personnes. Mais j’ai eu beaucoup de chance car j’ai bénéficié de l’aide d’un ami d’enfance, avec lequel j’avais déjà collaboré sur d’autres projets, qui pouvait construire tout ce que j’étais en mesure d’imaginer. Il n’était pas du tout dans l’abstraction, il avait donc besoin de deux choses : une idée et un directeur artistique. Sans lui, j’aurais beau avoir eu plein d’idées, aucune n’aurait pu se concrétiser. Dans ce film, j’ai recyclé beaucoup de mes travaux précédents. Nous avons fait une parodie de Pulsions, de Massacres dans le train fantôme, etc. Je les ai recyclés car je disposais déjà du matériel de base. Je me suis demandé après coup si Brian De Palma, en voyant la scène de Pulsions, m’en voudrait pour cette parodie. Mais au contraire, il a adoré ! Et il m’a récemment avoué à quel point il avait apprécié cette scène.

Parlons de Café Flesh. Comment définir ce film, qui n’est ni tout à fait un film porno ni tout à fait un film de science-fiction, mais plutôt un entre-deux ? 

Les scènes de sexe de Café Flesh sont très chiantes. À l’époque, Jerry et moi pensions que c’était la bonne approche. Nous étions obligés d’inclure du porno, alors nous avons tourné ces scènes sans aucune sensualité. Je voulais consacrer tout mon temps aux scènes classiques, non pornographiques. Après le premier jour de tournage, j’ai consulté les rushes, et le rendu était génial ! Après coup, j’ai eu l’idée de refaire le film et d’obtenir un vrai budget en utilisant uniquement ces rushes et la chorégraphie. Le film aurait été expurgé de ses scènes pornographiques, mais ça ne s’est pas concrétisé. Lors de la projection de Café Flesh, une femme m’a demandé pourquoi j’avais inclus ces scènes-là. Eh bien, parce que c’était la contrainte qu’on m’avait imposée ! Si je n’avais pas fait les scènes pornographiques, on aurait probablement retrouvé mon corps dans le fleuve. Et bien sûr, en tant que film porno, Café Flesh a été un gros échec…

Les personnages du film ressemblent à des caricatures d’Honoré Daumier. Comment avez-vous choisi les acteurs ? Apparemment, certains d’entre eux étaient des toxicomanes du quartier et vous les avez engagés comme figurants.

Même si c’est vrai, cela a été très exagéré. Je voulais beaucoup de « trognes », mais une fois de plus, le budget était limité, quoique plus important que celui de mon film précédent. En ce qui concerne le casting, il y avait un club fréquenté par des artistes à Los Angeles où les gens prenaient leur café, et dont la propriétaire était une femme appelée Janet Cunningham. Je lui ai dit que je tournais ce film et lui ai demandé si elle voulait être ma directrice de casting, au vu des nombreux visages intéressants qu’on pouvait trouver dans son club. J’ai précisé, bien sûr, que je la paierais, ainsi que tous les acteurs et figurants. Dans tous mes films, tout le monde est payé, même le plus petit assistant. Personne ne travaille gratuitement. C’est ce qui rend une équipe heureuse. Elle nous a donc fourni plus d’une quarantaine de personnes, mais cela ne suffisait toujours pas. J’ai missionné un assistant qui s’est rendu dans un café de Hollywood Boulevard ouvert toute la nuit, et il a demandé aux gens s’ils accepteraient de gagner facilement 50 dollars en espèces pour être filmés pendant dix minutes. C’est là que nous avons trouvé les junkies. En résumé, c’était un mélange de gens de la rue et d’acteurs professionnels.

Il y a un fond social et politique. Ainsi, Café Flesh intervient aux débuts des années sida et pendant la paranoïa collective relative à l’éventualité d’une guerre nucléaire. C’est aussi une satire du patriotisme américain et du puritanisme au début du mandat Reagan (on voit par exemple une « positive » porter une culotte aux couleurs du drapeau américain ; il y a aussi un drapeau russe). Peut-on dire que ce film d’avant-garde était justement en avance sur son temps ? Comment ce message a-t-il été perçu à l’époque ?

Stephen Sayadian
Café Flesh © Stephen Sayadian

Il y a deux problèmes distincts : la politique et le sida. Le sida était la raison d’être de Café Flesh. J’ai lu à l’époque un article du Village Voice qui parlait de la « peste gay » et des hommes gays qui en mouraient. Selon l’article, les malades mouraient à cause du sexe ou des poppers. Mais je savais déjà que c’étaient des conneries. Comment quelque chose peut-il toucher uniquement les gays ? Tous les êtres humains sont concernés. L’épidémie a peut-être commencé dans cette communauté, mais elle ne pouvait que se propager, comme toutes les épidémies. Quand on m’a proposé de réaliser Café Flesh, je me suis demandé dans quelle mesure je pouvais, dans un film porno, inclure des acteurs qui n’auraient pas à avoir de relations sexuelles. Je voulais des acteurs pornos qui n’auraient pas vraiment besoin de jouer. Puis, une idée m’est venue en regardant Cabaret de Bob Fosse, et j’en ai parlé à Jerry. Le sexe non simulé pourrait se dérouler sur une scène, avec seulement deux personnages ayant des rapports. Bien sûr, je n’étais pas affilié à un syndicat, je ne pouvais donc pas me permettre d’organiser un casting ouvert. Néanmoins, certains acteurs de théâtre n’étaient pas non plus syndiqués, j’ai donc décidé de faire le tour des petits théâtres pour voir qui serait intéressé. C’était une décision d’ordre pratique, qui a également nourri l’intrigue. J’ai suggéré à Jerry d’écrire quelque chose sur les « positifs » et les « négatifs », c’est-à-dire les personnes qui peuvent avoir des relations sexuelles (environ 1 % de la population) et celles qui ne le peuvent pas (90 %). Je lui ai expliqué le concept, et pendant que je lui parlais, il notait tout. Son introduction était magnifique. En plus de cela, je devais inclure un peu de politique. À cette époque, le mur de Berlin était en train de tomber ; et Reagan, selon moi, ruinait le pays, même s’il voulait mettre fin à l’énergie nucléaire. Mais sur le plan social, c’était horrible. Je voulais satiriser, à travers le sexe, le climat politique de l’époque. Chaque scène de sexe avait pour thème une parodie d’un film porno. Par exemple, la première scène avec le rat géant qui s’invite chez une femme se moque gentiment de ces films pornographiques qui mettent toujours en scène le personnage récurrent d’un livreur qui rencontre une femme au foyer et qui couche avec elle. La scène du bureau avec l’homme à tête de crayon parodie la sempiternelle scène du patron et de sa secrétaire. Je voulais prendre à rebours tous ces clichés. Le film contient aussi quelques messages, dont un que j’aime particulièrement : je regardais une photo du mur de Berlin, et j’ai remarqué que quelqu’un avait dessiné un graffiti « Saute par-dessus le mur et rejoins la fête ». J’ai donc écrit cela sur notre propre mur dans le film. Mais lorsque j’ai cadré la scène, l’acteur s’est placé devant la lettre P du mot « party » [fête]. On ne voyait donc plus que « arty ». J’ai eu peur que les spectateurs du film se disent : « Oh, encore un type qui essaie de faire dans l’arty. » J’ai finalement décidé de le garder et d’assumer « Et oui, je suis dans le coup, mec ». Il y a aussi de nombreuses références à la culture pop américaine et ce, dans tous mes films. Dans Nightdreams, par exemple, il y a un logo américain dans la scène avec la boîte de crème de blé. J’ai toujours aimé emprunter des logos et leur donner vie. Andy Warhol l’a fait avec les boîtes de soupe, mais moi, j’ai mis ces images en mouvement. Je ne sais pas si cela avait déjà été fait auparavant. Aujourd’hui, il est très courant d’utiliser des références à la culture pop, des noms, etc. Lorsque Reservoir Dogs, de Quentin Tarantino, est sorti, tous les critiques ont clamé qu’il parlait un langage pop, qu’il faisait des références à de nombreux vieux acteurs… Eh bien, Jerry et moi avons fait exactement la même chose dix ans plus tôt avec Café Flesh. Et enfin, pour appuyer mes propos, Daniel Bird, le grand historien et cinéaste qui a supervisé toute la restauration, a rédigé un glossaire complet des termes utilisés dans les deux films (Café Flesh et Dr Caligari) expliquant la signification de chaque référence. Cela mérite d’être souligné.

Le film porte une réflexion sur la pornographie et le voyeurisme, en mettant en évidence le côté passif du spectateur. Les scènes de sexe, comme vous dites, étaient ennuyeuses. Est-ce pour pointer du doigt le côté mécanique et désincarné de la pornographie ?

Nightdreams © Stephen Sayadian

Oui, absolument, c’était la raison principale. Je voulais en finir avec les films pornographiques. La première fois que j’ai projeté Café Flesh devant les critiques du X lors d’une avant-première sans public, le numéro un des critiques de l’époque m’a regardé et m’a dit : « Vous avez pris une paire de seins parfaite et vous l’avez enfermée dans un soutien-gorge en fil de fer barbelé. Vous vous moquez de toute l’industrie et des gens qui vont voir ces films. » Il m’en voulait vraiment. Et je lui ai répondu une seule chose : « Vous voyez cet homme là-bas ? [J’ai montré Jerry du doigt]. Tout ce côté provocateur et satirique que vous trouvez si répugnant, c’est lui qu’il faut blâmer. » Je « blâme » Jerry parce que c’est vrai, il est beaucoup plus incisif que moi.

Le personnage de Max Melodramatic est central. Il est le chœur grec, cruel et pathétique, prononçant des répliques cultes. La récitation de son poème, dans lequel il révèle qu’il est dans les limbes parce qu’il a été castré pendant la Troisième Guerre mondiale, est particulièrement émouvante. Diriez-vous qu’il est le personnage le plus emblématique de votre filmographie ?

Je suis très fier de ce personnage. L’acteur [Andy Nichols] qui l’a incarné a fait un travail fantastique. Au départ, je voulais que le comédien Richard Belzer (de Law & Order) joue le rôle. Je le connaissais déjà, c’était un bon ami de Frank, mais son emploi du temps ne le permettait pas. Il voulait pourtant vraiment être dans le film. Il apparaît donc dans une seule scène. Quant à Andy, je le connaissais de Chicago, c’est un comédien de théâtre. Jerry et moi avons pensé : « C’est lui qu’il nous faut. » Il n’avait jamais tourné dans un film auparavant et n’a accepté le rôle qu’à condition de ne pas avoir à jouer de scène de sexe.

Contrairement aux pornos classiques, il y a une vraie bande originale et vous avez recours aux services de Wall of Voodoo, comme pour Nightdreams. Quelle importance accordez-vous à la musique ?

La conception sonore est primordiale. J’y ai travaillé dans Nightdreams, j’ai enregistré mes propres effets sonores et utilisé des albums et des disques que je possédais. Et j’ai écrit moi-même aux maisons de disque pour obtenir les droits. Pour moi, la musique est aussi importante que tout le reste. J’ai passé beaucoup de temps sur les trois films à créer le son. Je ne me suis pas attribué le mérite, à quoi bon ? Mais c’est quelque chose auquel j’ai vraiment consacré du temps et sur lequel j’ai travaillé dur. L’une des personnes interviewées dans les bonus du Blu-ray, un professeur de l’université Northwestern, qui dirige le département cinéma, a déclaré qu’il aimait les films, mais qu’il était complètement intrigué par la conception sonore. Il m’a contacté et m’a dit : « Je regarde un film porno et la musique est la meilleure que j’ai jamais entendue. » Je lui ai répondu : « Eh bien, je suis ravi que vous l’ayez remarqué, car c’est la chose dont je suis le plus fier. »

Dr Caligari est différent : il n’y a pas de scènes de sexe (même s’il y a des allusions à la pénétration, notamment par les seringues, le moignon ou la perceuse) et il s’agit plutôt d’un hommage au Caligari original. Comment vous est venue cette idée ?

Dr Caligari [ANNULÉ] | Forum des images
Dr Caligari © Stephen Sayadian

En vérité, ce n’était pas mon idée au départ, j’ai été engagé pour la mettre en œuvre. Le producteur Gerald Steiner m’a fait savoir qu’il adorait Nightdreams et m’a suggéré de faire une suite (j’ai réalisé quelques suites vidéo qui ne signifient pas grand-chose pour moi, elles ont été autofinancées pour payer mes projets théâtraux. Elles ne font pas vraiment partie de mon œuvre). Il était prêt à me donner 90 000 dollars et j’ai accepté de tourner quelque chose. Je n’étais pas fan de l’idée, mais cela m’a donné l’occasion de travailler de nouveau avec Jerry. Puis, à mi-chemin, alors que nous écrivions le scénario, cet homme m’a dit : « Tiens, je viens de découvrir que Le Cabinet du docteur Caligari est dans le domaine public. Cela signifie que vous pouvez utiliser le titre. Appelons-le Dr Caligari. » J’ai répondu que c’était une très mauvaise idée, car Caligari est un grand classique très apprécié, alors que j’étais censé tourner un film à petit budget. Je pensais que j’allais être critiqué quoi qu’il arrive, car les gens me demanderaient pourquoi je parodiais ce grand classique. Mais il m’a répondu : « Pas d’argent si tu ne le fais pas. » Le titre m’a donc été imposé. J’ai suggéré de l’appeler Caligari A Go Go et d’en faire un film psychédélique. Mais il a refusé. Je me suis alors mis dans l’ambiance de Caligari, j’ai fait des recherches, et j’en ai proposé une version pop.

C’est un film très visuel, avec une esthétique expressionniste. Vous avez supervisé la conception des décors et avez mis l’accent sur les jeux d’ombre et de lumière et le choix de couleurs très vives. Vous êtes-vous inspiré d’autres films ?

Je pense à ceux de Powell et Pressburger. Ils m’ont profondément influencé, même dans mon travail de photographe. Que ce soit Les Chaussons rouges ou tout autre film fantastique en Technicolor tourné par Jack Cardiff, le grand directeur de la photographie, le côté artificiel de leur travail m’a vraiment séduit, dès mes débuts, quand j’étais encore très jeune. Il m’a fallu des années pour enfin apprendre à faire correctement ce qu’ils faisaient, certes pas à leur niveau, mais mon objectif était de parvenir à obtenir ce rendu.

Les acteurs sont toujours en mouvement, il s’agit d’un film chorégraphié et dans le même temps, cela reste statique, en huis clos dans un studio ; on pourrait presque parler de pièce de théâtre filmée. Comment expliquer ce côté ambivalent du film ?

Stephen Sayadian
© Stephen Sayadian

Encore une fois, c’est une très bonne observation, ce que vous dites est vrai. C’était tout à fait intentionnel. Cela est dû au style que j’essayais de perfectionner et qui me permettrait de mettre en scène du mouvement, tout en tenant compte des contraintes budgétaires. Avec le directeur de la photographie, j’ai essayé de faire en sorte que chaque image du film ressemble à une photo. Notre objectif était le suivant : si vous stoppiez le film à n’importe quel moment, vous deviez avoir sous les yeux une belle image fixe. Nous avions déjà beaucoup travaillé ensemble, lui en tant que photographe et moi en tant que directeur de la photographie, donc notre collaboration a été fluide. Il y avait malgré tout des contraintes, car je ne pouvais pas demander aux acteurs de sortir de l’éclairage, ils devaient donc rester statiques. Cependant, je ne voulais pas d’un film entièrement statique, je voulais du mouvement. J’ai donc rusé à l’aide des arrière-plans, en faisant déplacer les acteurs sur des roulettes. Ce mouvement ressemblait parfois à des mouvements de caméra, mais la caméra était en réalité statique. Les accessoires, le mobilier et le cadre, eux, bougeaient. C’est très difficile à repérer si je n’explique pas le truc.

Ici encore, vous mettez en avant le voyeurisme du public. Il y a des regards  caméra, Mme Van Houten dit plusieurs fois : « Je sais que vous me regardez. » On voit des yeux géants dans des scènes surréalistes. Caligari est-il finalement comme un Café Flesh sans la pornographie, le film qui vous représenterait le mieux ?

Je pense que c’est tout à fait vrai. Dans Nightdreams, le personnage s’appelait Mme Van Houten, et sa phrase fétiche était « Je sais que vous me regardez ». J’ai repris cela dans Caligari. Comme je l’ai dit, ce film devait être la suite de Nightdreams. Le voyeurisme a été un thème récurrent dans tout ce que j’ai fait, y compris au théâtre. J’ai écrit une pièce sur Peeping Tom et le voyeurisme, qui a eu beaucoup de succès à Los Angeles. Et je pense que ce thème a fait son apparition en moi lorsque j’ai débuté chez Hustler, car tout le magazine tournait autour de ça. J’ai toujours trouvé que c’était un bon moyen d’intégrer des éléments visuels.

Il y a également un message politique, car nous étions à une époque où les psychotropes étaient en plein essor. La première scène du film s’ouvre sur une affiche qui dit « Une vie meilleure grâce à la chimie » [Better living through chemistry]. Était-ce important pour vous de mettre en avant ce problème particulier des médicaments ?

Café Flesh est né pendant la crise du sida, et avec Caligari, j’ai en quelque sorte approfondi l’idée du gouvernement qui refuse de fournir des médicaments et prescrit les mauvais. Situer l’action dans un hôpital psychiatrique et l’appeler « CIA » était également délibéré. J’étais très en colère au début de cette crise, car beaucoup de mes amis et de mes proches mouraient du sida, en particulier ceux qui étaient homosexuels, du moins au début, puis tout le monde ensuite. Cela m’a beaucoup affecté, car l’administration Reagan ne faisait rien pour y remédier. Pendant des années, ils n’ont même pas prononcé le mot « sida » ni agi comme s’il existait. Pendant ce temps, la communauté artistique était fortement touchée par cette maladie. C’est pourquoi j’ai inclus quelques messages subtils.

Vos films n’ont pas eu vraiment de succès commercial dans l’immédiat ; en revanche, ils ont été acclamés par la critique et adulés par un public punk, underground, notamment aux séances du cinéma de minuit. Comment expliquer leur statut de film culte, représentatif du cinéma de minuit ?

Mon premier objectif a toujours été de devenir un cinéaste underground. Je n’avais pas l’ambition de travailler dans la grande industrie du cinéma, même si j’ai étudié l’histoire des studios américains depuis le muet et que j’ai réalisé de nombreuses affiches pour eux. Mais j’adore le concept d’underground, et je pensais que si je restais dans cet univers et dans les films à petit budget, je bénéficierais de toute la liberté créative dont j’avais besoin. Mon ambition n’a jamais été de réaliser un grand film d’horreur ou une comédie musicale. Je voulais travailler dans le domaine du cinéma de genre. Caligari a reçu de nombreuses critiques élogieuses, non seulement dans la presse underground, mais aussi dans la presse grand public, comme le Los Angeles Times qui a publié un article fantastique. Après cette critique, j’ai reçu de nombreux appels pour m’engager sur des films grand public. Ça n’a rien donné car je n’avais pas le cœur à cela. De plus, mon approche de la réalisation n’est pas celle d’un réalisateur lambda. Je ne filme que ce dont j’ai besoin, je ne multiplie pas les angles de prise de vue. Dans un film comme Caligari, toutes les scènes que j’ai tournées ont été utilisées. Quand je suis passé à la télévision, j’ai rencontré quelques difficultés car on me demandait de fournir différents angles. Et je répondais que ce n’était pas ma façon de filmer. Je n’ai pas vraiment apprécié cette expérience, même si je pense qu’il y a beaucoup plus de liberté à la télévision aujourd’hui. Mais lorsque j’y travaillais dans les années 90, les producteurs contrôlaient vraiment tout. Quand le réalisateur avait terminé de tourner, il n’était même pas autorisé à entrer dans la salle de montage. J’ai obtenu un poste de chef décorateur pour la série télévisée Les Dessous de Palm Beach, on m’a accordé toute liberté au début. Elle était diffusée sur CBS, et le président de la chaîne disait que c’était selon lui la plus belle série du moment. Et pourtant, c’était aussi celle qui avait le moins de budget. Mais pour les dix premiers épisodes, ils m’ont laissé toute liberté de faire ce que je voulais en termes de conception et de décors. En revanche, je ne devais pas toucher au scénario ni à la réalisation. Je n’ai pas continué car j’ai vu de nombreux réalisateurs qui ne se sont consacrés qu’à la télévision : on gagne beaucoup d’argent, c’est addictif, et on finit par oublier pourquoi on voulait devenir réalisateur au départ. On se perd en quelque sorte. Et en ce qui concerne la réception de Café Flesh et Dr Caligari, vous avez tout à fait raison, ce n’était pas un succès, malgré d’excellentes critiques. Café Flesh, lors de sa sortie dans l’industrie du cinéma d’art et d’essai, a été projeté pendant un an dans un cinéma porno, comme prévu. Mais personne n’en voulait. Au bout d’une semaine, les gens quittaient la salle en exigeant d’être remboursés. Les financeurs l’ont donc vendu à une autre compagnie, dont un membre du département marketing a déclaré : « Ce n’est pas un film porno. Il devrait être projeté dans un cinéma d’art et d’essai. » Une séance a donc été organisée dans le meilleur cinéma d’art et d’essai de Los Angeles (le vendredi soir, ils diffusaient Eraserhead, et le samedi soir, Pink Flamingos). Il s’est assis pour le regarder – j’étais à côté de lui – et dix minutes plus tard, il a déclaré : « Ce film sortira à minuit et remplacera Eraserhead d’ici deux semaines. » Et c’est ce qui s’est passé. Il a fini par battre le record de fréquentation des séances de minuit, projetées depuis douze ans, à l’époque du Rocky Horror Picture Show. Il a fallu beaucoup de temps pour trouver son public, qui était finalement celui des films de minuit et non celui des films pornos. Caligari a également été projeté au Marketing Con, où il a été vu par de nombreux programmateurs de festivals. Le Festival international du film de Toronto m’a appelé immédiatement après et m’a proposé que Café Flesh fasse l’ouverture de leur Midnight Madness. Ils ont projeté le film tout au long du festival à minuit. Et il a eu beaucoup de succès. Cette année-là, ils avaient réuni tous les réalisateurs du genre : Dario Argento pour la projection d’Opéra, Herk Harvey, pour celle du Carnaval des âmes. J’étais assez étonné, car j’avais 36 ans quand j’ai réalisé Dr Caligari, il avait environ trente ans de plus que moi et n’avait jamais réalisé d’autre film après le Carnaval, pour diverses raisons. Je me disais : « Voici un homme qui n’a réalisé qu’un seul film. Mais ce film unique est très apprécié. » Il est peut-être plus important de réaliser un seul grand film que trente films moyens dont personne ne se souvient vraiment. Je me rappelle m’être dit que cela pourrait m’arriver. J’ai eu une belle carrière dans d’autres domaines, je ne dépendais pas du cinéma pour gagner ma vie (j’avais mon studio, mes projets artistiques et photographiques) ; cependant, j’ai eu une véritable révélation à ce sujet, et cela s’est vérifié. Dans mon cas, la raison en est que j’ai été très malade pendant quinze ans. J’ai été pratiquement mis à la retraite forcée pendant tout ce temps à cause d’une affection hépatique. Puis j’ai reçu une greffe, je suis revenu d’entre les morts et je suis maintenant plus fort que jamais. J’espère obtenir le budget pour ce nouveau film sur lequel je travaille avec Jerry Stahl depuis maintenant dix ans.

Il n’y a plus de cinéma de minuit maintenant ; quel avenir voyez-vous pour les films de genre, le cinéma bis ? Pensez-vous qu’il soit impossible de tourner des films comme Café Flesh et Dr Caligari maintenant ?

Oui, mais il y a toujours de l’espoir. Et cet espoir ne réside pas dans le cinéma, mais dans les galeries d’art. Il pourrait éventuellement y avoir des galeries spécialisées dans les films de genre, qui ne recherchent pas le profit à tout prix, l’essentiel étant de diffuser ces films. Il faudrait aussi que ce soit du petit budget. Je pense que c’est le seul espoir et c’est assez déprimant. Savez-vous ce qui est le plus triste dans cette histoire ? Mes films que j’ai réalisés il y a quarante ans sont très appréciés des jeunes. Mon public a 22 ou 23 ans, n’a jamais vu de films comme ceux-là et les adore. Cela signifie donc qu’il y a un public qui est en demande.

Il y a dix ans, comme vous l’avez évoqué, vous aviez un projet intitulé May’s Renewal. Il ne s’est pas concrétisé pour quelle raison ? Personne ne veut prendre le risque de le financer ?

© Stephen Sayadian

Nous sommes toujours en phase de pré-production car nous n’avons pas réussi à obtenir tout le financement nécessaire. Nous avons changé le titre pour Hell is Tender. J’ai reçu de l’argent, mais je pose deux conditions : je dois garder le contrôle car je réalise un film à petit budget, moins d’un million de dollars. Et je ne veux pas que l’on me dise comment le réaliser. Avant, j’aurais été moins intransigeant. Mais à mon âge, je préfère ne pas m’engager si ces conditions ne sont pas remplies. Je veux respecter les limites du budget. Mais je pense quand même que le film verra le jour. Cela fait dix ans que nous y travaillons, Jerry et moi, et le scénario doit sans cesse être modifié pour l’actualiser. Je n’ai toutefois pas abandonné. Je dois réaliser un autre film avant de raccrocher et j’ai l’énergie d’un trentenaire. Je peux travailler seize heures par jour.

La sortie de ces deux coffrets Blu-ray[2] est-elle une forme de consécration, comme une revanche sur la vie ?

Vous savez quoi ? Je n’y avais jamais pensé. C’est une remarque très judicieuse. Je n’appellerais pas ça pour autant de la vengeance. Je n’ai jamais été dans le ressentiment et je suis heureux de ces deux parutions, celle de Mondo Macabro aux États-Unis et celle de Carlotta en France. Je trouve ça fantastique et je n’aurais jamais pensé que cela m’arriverait un jour. Il m’a fallu tellement de temps pour obtenir les droits de mes deux films. C’est beaucoup de travail pour les cinéastes d’en obtenir la propriété. La plupart des réalisateurs ne l’ont pas ; j’ai eu cette chance, ce qui me permet de contrôler leur diffusion. Dans le cas de Mondo Macabro, c’était l’offre la plus modeste qu’on m’ait soumise, mais j’aime bien cette société et les films qu’elle produit. C’est la meilleure décision que j’ai jamais prise, et je suis entièrement satisfait de la façon dont ils assurent la promotion des films. Quant à Carlotta, c’est exactement la même chose. De fait, le coffret de Café Flesh est tout ce que j’aurais pu espérer : c’est un magnifique coffret, cela valait la peine d’attendre trente ans dans l’ombre… Mon cinéma avait déjà un petit public avant, mais maintenant, il est plus important que jamais : par exemple, sur Letterboxd, Caligari totalise 6 000 à 7 000 critiques, ce qui est énorme pour un petit film. C’est la même chose pour Café Flesh. Après la projection à l’Étrange Festival, j’ai lu dès le lendemain matin énormément de critiques, dont 90 % étaient très bonnes. Je dirais donc que c’est une revanche dans le bon sens du terme, sans colère, car ce n’est pas dans mon caractère, et je dois avouer que je suis très satisfait que les fans aient apprécié le film. Pendant la séance de questions-réponses à l’Étrange, tout le monde passait un bon moment, il y avait une bonne énergie, les gens riaient. Mes films ont aussi été projetés à l’Institute of Contemporary Art de Londres en mars dernier et ont été très bien accueillis. Nous avons bénéficié d’une grande publicité grâce à la présence de la pop star Charlie XCX. Cela nous a aidés, car elle a écrit une critique et les gens l’ont suivie. Je ne savais même pas qui elle était quand je lui ai parlé. Je pensais que c’était une jeune fan. Quand je lui ai dit que le film n’était pas du tout sexy et que les scènes de sexe étaient ennuyeuses, elle m’a répondu : « Je n’ai pas trouvé ça ennuyeux, moi. » Je lui ai répondu : « Eh bien, vous êtes l’une des seules personnes à le penser. » Quoi qu’il en soit, le film a été bien accueilli et c’est vraiment génial !

Propos recueillis et traduits de l’anglais par Guillaume Narguet

 

Stephen Sayadian: ‘I always wanted to be an underground filmmaker.’

Stephen Sayadian is the man behind two cult films from the underground and midnight cinema scene: Café Flesh (1982) and Dr. Caligari (1989), which are the subject of a deluxe Blu-ray box set distributed by Mondo Macabro and Carlotta. A versatile artist, he is as much a director as he is a production designer, screenwriter, playwright, poster artist and satirist for men’s magazines (among other things), and has become the equal of David Lynch, Alejandro Jodorowsky and John Waters in genre cinema. Yet, his work has long been invisible.
Café Flesh, a surrealist and pornographic science fiction film with ‘the most boring sex scenes in the entire adult film industry’, transports us to a post-nuclear war American society in which 99% of the population (known as the ‘negatives’) can no longer have sexual intercourse without becoming seriously ill. The others (‘the positives’) are forced to copulate on stage to fuel the fantasies of the nostalgic majority.
Dr. Caligari, meanwhile, takes place in a kitsch psychiatric hospital. Dr. Caligari (granddaughter of Robert Wiene’s famous Caligari), a psychiatrist by profession, has invented a process for transferring brain hormones from one patient to another. In this way, she reverses the personalities of a cannibalistic psychopath and a nymphomaniac housewife.
It was during its carte blanche event as part of the Étrange Festival (held every September at the Forum des Images in Paris) that À Rebours magazine had the opportunity to talk to Stephen Sayadian, aka Rinse Dream.

 

À Rebours: Before discussing your films and your career, let’s start by talking about l’Étrange Festival, where you are one of this year’s guests. Two of your films are being screened there and you have been given carte blanche. In a few words, what does this festival mean to you? 

Stephen Sayadian: This festival means a lot for me because it was my first live appearance, when I was invited in 2013, after a 10-year illness that kept me away from everything: film sets and the public. It was like a rebirth. The crowd was so warm and loving, it gave me such a good feeling to be remembered. I was very moved when I noticed that there were young people in the audience who knew my films. I would say l’Étrange has a very special place for me. These last few years, Café Flesh and Dr. Caligari have been at many festivals (Venice, Berlin, Lisboa, Bologna, off screen in Brussels, Lausanne, the Institute of Contemporary Art in London), but this festival is the closest to my heart. I was very excited when they invited me a second time.

You had several careers before getting into film: photographer, joke writer for Bazooka chewing gum wrappers and, most notably, magazine satirist at Hustler. You had previously been rejected by Mad Magazine, National Lampoon and even Oui. Were you already too radical in your approach to humour and satire at the time?

I don’t think it was that. It’s just that the material I sent to the magazines wasn’t good enough. At the time, I thought it was wonderful, and when it was rejected, I almost burst into tears. I was only 17 or 18, I couldn’t understand why it wasn’t being published. And I had no interest in being photographer, even with stills. What I wanted to do is to be a director working with a still photographer (he would have served me as a cinematographer, which is highly unusual). I did photography nevertheless, but I didn’t want to have to focus on its technical aspects, so I could spend all my time working with the visual and the light. Going back to my beginnings, I would say that the biggest influence on me was the French magazine Hara-Kiri. I may have been the only subscriber in America… I had discovered it in London in 1973 at a club; there was a French woman who carried a bag with a copy of the magazine in it. I saw the cover, looked at it and thought it was amazing! They did what nobody in America really had done at that time: they would show a photograph with a punchline to make it funny. It was like a cartoon, but with photographs. So, I started developing that method back in America. But still, I wanted to be a filmmaker, a visual artist, a satirist. Whatever order it came in didn’t matter. What inspired me, besides Hara-Kiri, was The Devils by Ken Russell. I saw it the first time when I was in high school in 1971. The astounding visuals changed a lot for me. I had seen Fellini films, but, with The Devils, it was different. There was a lot of youth, of energy and boldness. I must admit I also was doing LSD, which might have played a big part. I wasn’t actually sure whether my admiration was due to the movie or the LSD. So, I went back the next week without taking anything and I said Ah, it’s the movie.’

Talking about influences, did you watch any films by Dario Argento and Mario Bava at the time? Because in terms of use of colors, which are very vivid, it may remind us of gialli from the 60s and 70s.

Yes, but it wasn’t really an influence, because I already had that style in mind when I began. I’ve always wanted to have a signature style in such a way that, when someone saw the stills, my films or my theater work, they knew exactly this was Sayadian’s touch, whether they liked it or not didn’t matter. I only wanted to work for that; I had no versatility. It would have been difficult to make a regular film. When I shoot a movie, I shoot it like a series of still photographs and then, I do the blocking within the frame. For me, there’s only one angle in every picture.

That’s why you only work with storyboards…

Yes. Occasionally, I can go off the storyboard, but I don’t like that. And what I want to do is to try to have colors that just pop off the screen. It took me years to really get down that style. It’s not just about painting, as one might think. Everything is in the light and in the blacks. The pop colors have to be against something very dark so they can move. I used to mix my own paints to be sure of the quality. For example, one of my tricks, in the old days, was to use green screen. There were Chroma Key paints specifically to replace the backgrounds. Green screen is used all the time now. When I did Caligari, I finally got it right. And just when I was ready to embark with Jerry [Stahl] on our next film, I got sick and had to quit the film industry…

You joined Larry Flynt’s Hustler in 1976 and became his art director in charge of advertising. Your first job was to create an advertising campaign for vibrators. Did your arrival coincide with the magazine taking on a more subversive stance?

When I went to Hustler, I was 22. I had tried to get an appointment and called the magazine, asking the receptionist if there was a humor editor department I could show my work to. They thought I meant cartoons, but I don’t do cartoons. I do satire and humor. They said they didn’t have anything like that. It was very discouraging; nevertheless, I decided to drive to the place where it was located. So, I drove for 8 hours, all my work with me, to Columbus, Ohio, in a bar owned by Larry Flynt, a very unusual place for a magazine headquarters… I knew my first pieces of work were bad. But as time went on, the editors of Mad, National Lampoon and other humor magazines were writing encouraging notes. My know-how was little by little improving. And I realized the secret was to show the magazines exactly what it’s going to look like on the page, never put it in ideas. So, I would do the photography, the layout, and the type was all set. It looked like a page from a magazine. I had about 20 different pieces of individual satire on boards and that’s what I was able to present. Once inside, I asked to meet the cartoonist. Of course, I was pretending it was cartoons… I saw him, opened my folder and showed him my work. He just lit up and said: ‘This is beautiful!’ He showed it to Althea, Larry Flynt’s wife, who told me to come back in an hour. When I got back, Larry was there; he had seen my work, handed me back the portfolio, all zipped up. I thought he didn’t like it. He told me to open it. All the pictures were gone. Instead, there was a $2,500 check, which was a fortune. Larry told me he wanted all the work. A week later, he called me and offered me a job proposal: to start an ad business. Indeed, Hustler already had national ads (for cigarettes, liquors, record…) but the big companies were putting pressure on Larry about the explicit nudity, the subversive humor, and even the politics (Hustler was very left-wing, which fitted me perfectly by the way…), they couldn’t handle its ‘radicalism’ any longer. So, he asked me to draw inspiration from other magazines which didn’t do any advertising but merchandising. For instance, Mad was selling mugs, T-shirts, etc. Larry wanted a business where Hustler could do sex toys, marijuana, rolling papers, all sorts of things, with monthly ads. That was the main job he wanted me to do.

Did you have complete freedom?

Totally. He told me I was free to do anything I wanted. He didn’t care if they even sold. The only rule, from him, was to be entertaining. He wanted the readers to enjoy it as much as possible. It was a job made in heaven for me. I looked at what kind of ads were usually made in these magazines. It was very sleazy, in the back of adult bookstores, and they always showed a woman holding on the vibrator or having sex. That was not what I was going to do because there was no fun at all. I started the campaign, and it was a big hit. We ended up making almost as much money as we did with the magazine. For example, we did an anti-smoking campaign, not because we were against cigarettes, but because the cigarette companies were hassling Larry. So, I did a series of about 20 anti-smoking campaigns. And those were very well received by the anti-cancer associations.

You left Hustler in 1978 after Flynt’s assassination attempt and his temporary withdrawal from the magazine. You then created posters for films such as Dressed to Kill, The Fog, etc. with your partner, photographer Francis Delia, at Wolfe Studio, the art direction company you founded, located on Hollywood Boulevard. Did that encourage you to get into film?

Not really, I already knew I wanted to make movies. I wanted to be a visual artist. But I grew up as a film fanatic. Even as a boy, I not only knew about underground films, but all the studio films. There were six major studios and then there were about a half a dozen, nicknamed Poverty Row Studios. I could tell you which star was at which studio. That’s why I enjoyed creating posters. I left Hustler because Larry was in the hospital after having been shot and was no longer coming back to the magazine. Without him, I wouldn’t have as much creative freedom as I had.  As the magazine got very big, there were so many people, I didn’t want to have to answer anybody. I said to his wife I would continue doing the humor and the advertiser, but as a contract, and we made a deal. When I left and moved to Los Angeles, Hustler was my first client, and I was under contract with it for about 20 years. As far as film is concerned, it was a natural development. I had a visual background as well as an advertising background. So, posters were a natural progression. The reason I got into them was because the X-rated business was going from 35 millimeters to video. They needed box covers for the video. At our studio, we must have done 50 rebranding all these covers. They were very well received, and we started getting phone calls, from studios, about doing posters.

Your studio was close to porn cinemas and punk rock nightclubs like The Masque. Did that allow you to discover a new world, the underground punk scene, or were you already familiar with it?

I was familiar with it, but I didn’t know it in LA. In Columbus, Ohio, there wasn’t anything like that. But I was always really into music, and I kept up to date with the last news in this domain. I got English music papers (The New Musical Express, The Melody Maker…), which were covering lots of punk bands like The Sex Pistols in1976-77. I was a bit older than punks, most of them were 16 or 17. They hung around my studio and performed in rehearsal rooms. Besides, The Masque’s owner, a Scottish guy, had his office next to my studio. It’s the location, the geography, that got me into that world, because so many bands were passing through. Of course, they had no money and no work. So, I would put them to work, driving or painting sets, or I would hire them as assistants. And I got to know that whole scene really well, which came in very handy when I started making my movies, because most of them were extras.

You worked on Nightdreams, your first film, for which you were co-screenwriter. The context is quite incredible, as it was a mafia-run porn film production company that financed you to the tune of $60,000 in cash. How did that happen?

I was more than a co-screenwriter. The only reason I didn’t direct that film was because I already had so many responsibilities. Frank Delia had to do it, because the direction was very easy. We got $60,000 to make that film on 35, given to me not only in cash but in change, because the money came from a peep show revenues. But it was as much my film as his. Frank did an extraordinary work on the lighting in 35 mm, he deserves the credit, but it’s never been seen (except in theater) because the negative has been lost. We can’t even restore it, we don’t have all the elements. And yet, it’s close; we’re waiting to see about one more reel and then, hopefully, we might be able to restore it. Another difficulty: I own the rights to Cafe Flesh and Dr. Caligari, but Nightdreams, I don’t… Even though I have the copyright on the film. Nobody can make it without me. It’s a shame because it did have a great look. Hopefully, it’s going to happen soon…

You mentioned a $60,000 budget, which is very small. But that never restricted your creativity. On the contrary, your creativity may have been stimulated.

That’s it. It could have been a problem, though. We shot Nightdreams in six days. Frank, who did the camera operating, was a good lighting director, but not so-good operator. He could do it, but he would have preferred having somebody else, as I would. However, we didn’t have the budget, so Frank had to do both of those jobs. There were only about ten people on the crew. But I was very fortunate because I had the help of a childhood friend, with whom I had already collaborated on other projects, who could build anything I could imagine. He wasn’t conceptual and needed two things: the idea and the art director. Without him, I could have had plenty of ideas, none of them would have materialized. In this film, I recycled many of my previous jobs. We did a parody of Dress to Kill, The Funhouse, etc. I recreated it because I had those props. I was wondering if Brian De Palma, when he saw the Dress to Kill scene, would blame me for this parody. It was quite the contrary, he loved it! And he recently said how much he did.

Let’s talk about Café Flesh. How would you define this movie, which is neither quite a porn film nor quite a science fiction film, but rather something in between? 

The sex scenes of Café Flesh are very boring. At the time, Jerry and I thought it was the right way to go. We were forced to do it, so we shot the porn scenes without any sensuality at all. On the other way, I wanted to spend all my time on the non porn scenes. After the first day of shooting, I saw the dailies, and it looked so good! Afterward, I had the idea to remake it and get a real budget based on these dailies and the choreography only. The film would have been expurgated of its porn scenes, but that didn’t work out. At the screening of Café Flesh, a woman asked me why I even put the porn scenes in it. Because that was the job! If I hadn’t done the porn scenes, I probably would have been found in the river. And of course, it failed as a porn movie…

The characters in the movie look like caricatures by Honoré Daumier. How did you cast the actors? Apparently, some of them were junkies from the neighborhood and you hired them as extras.

That’s true. But it’s gotten blown out of proportions. I wanted a lot of faces, but once again, the budget was limited, although bigger than my previous film budget. As for the casting, there was a club frequented by artists in Los Angeles where people would have their coffee. The owner was a woman called Janet Cunningham. I told her I was making this film and asked her if she wanted to be my casting director, given the numerous interesting faces we could find in her club. I specified that, of course, I would pay her and all the actors and extras. In all my films, everybody gets paid, even the lowest assistant. No one works for free. That makes a happy crew. So, she put together and sent over 30 or 40 faces, but there weren’t enough. I sent an assistant out on Hollywood Boulevard, in an all-night café, where he asked people if they would agree to make an easy $50 in cash to be filmed for 10 minutes. That’s where we found the junkies. In a nutshell, it was a combination of street people and regular cast.

There is a social and political background. Café Flesh was released at the beginning of the AIDS epidemic and during the collective paranoia surrounding the possibility of nuclear war. It is also a satire of American patriotism and puritanism at the beginning of Reagan’s term in office (for example, we see a ‘positive’ woman wearing panties in the colours of the American flag; there’s a Russian flag too). Could we say that this avant-garde film was ahead of its time? How was this message perceived at the time?

There are two different issues, politics and AIDS. AIDS was the reason Café Flesh existed. At that time, I was reading a Village Voice article, which talked about ‘gay plague’ and ‘dying gay men’. They thought it was because sex or poppers. But I already knew it was bullshit. How is something just gay? All human beings are concerned. The epidemics may start in that community, but it is likely to expand, as all epidemics do. When I was asked to direct Café Flesh, I wondered to what extent I could include actors in a porn film who would not have to have sex. I wanted to use sex actors that don’t really need to act. Then, an idea came to me while watching Bob Fosse’s Cabaret, and I told Jerry about that. All the sex could take place on a stage, with only two characters having intercourse. Of course, I was not affiliated with a union, so I couldn’t afford to have an open casting call. Nevertheless, some theater actors weren’t in the union either, so I decided to go around the little theaters to see who was interested. It was a practical decision, and it also helped the storyline. I suggested Jerry to write something about ‘positives’ and ‘negatives’, that is, people who can have sex (like 1% of the population) and people who can’t (90%). I told him the concept, and as I was telling him, he was writing everything. His intro was beautiful. In addition to that, I had to include some politics. At that time, the Berlin Wall was falling; Reagan, according to me, was ruining the country, even though he did want to stop nuclear power. But in all sorts of social ways, it was awful. I wanted to satirize, through sex, the political climate of that time. Each sex scene had a theme that was a parody of a porn movie. For instance, the first scene with the giant rat who invites himself to a woman’s house parodies those porn films which always feature the recurring character of a delivery boy meeting the housewife and having sex. The scene of the office with the pencil man parodies the boss with his secretary. All those cliches I wanted to spoof. There were also some messages in that film, including one that I particularly liked: I had looked at a picture of the Berlin Wall, and someone had drawn graffiti that said ‘Jump over the wall and join the party’. So, I wrote that on our wall in the movie. But when I was framing it, the actor stood in front of the letter P of the word ‘party’. So, all you could see was ‘arty’. I thought the film’s viewers would say ‘Oh, this guy’s trying to be very arty.’
I finally kept it to say ‘Yeah, I’m in on the joke, man.’ There are also many references to American pop culture in all my films. In Nightdreams for example, there’s an American logo in the scene with the cream of wheat box. I’ve always liked to take American logos and bring them to life. Andy Warhol did it with the soup cans, but I animated and moved them. I don’t know if that had ever been done before. Using pop culture references, names, etc. is very common today. When Reservoir Dogs, by Quentin Tarantino, came out, all the reviewers said he used pop language, he mentioned names of old actors… Well, I have to tell you that Jerry and I did the exact same thing ten years before with Café Flesh. And finally, to support what I’m saying, Daniel Bird, the great historian and filmmaker who oversaw all the restoration, wrote a whole glossary of terms from both films (Café Flesh and Dr. Caligari) explaining what each reference meant. That’s worth noting.

The messages in the film reflect on pornography and voyeurism, highlighting the passive nature of the viewer. The sex scenes, as you’ve just said, were boring. Was this to highlight the mechanical and disembodied nature of pornography?

Yes, absolutely, that was the main reason. I wanted to get porn movies over with. The first time I screened Café Flesh for the porn critics during an advance screening with no audience, the number one of them at that time looked at me and said, ‘You took the perfect pair of breasts and put it in a barbed wire bra. You are making fun of the whole industry and of the people that go see these films.’ He was really getting down on me. And I replied only one thing: ‘See that man over there? [I pointed to Jerry]. All that edge and satire that you’re finding so repellent, go blame him.’ I ‘blame’ Jerry because it’s true, he’s much more piercing than I am.

The character of Max Melodramatic is central. He is the Greek chorus, cruel and pathetic, delivering cult lines. The recitation of his poem where he reveals that he is in limbo because he was castrated during the Third World War is particularly moving. Would you say he is the most emblematic character in your filmography?

I am very proud of this character. The man [Andy Nichols] who played him did a fantastic job. I originally wanted the comedian Richard Belzer (from Law & Order) to play the part. I already knew him, he was good friend with Frank, but his schedule didn’t match.
He really wanted to be in the film though. So, he does have that one scene. Regarding Andy, I knew him from Chicago, he’s a theater actor. Jerry and I said, ‘He’s the one.’
He hadn’t made a film before and agreed to take the part, as long as he didn’t have to do the sex.

Unlike traditional porn films, there is a real soundtrack, and you use the services of Wall of Voodoo, as in Nightdreams. How important is music to you?

Sound design is number one. I worked on it in Nightdreams, I recorded my own sound effects and used albums and records I had. And I wrote myself to get the rights. To me, sound design is as important as anything. I spent a lot of time on all three of the films creating the sound. I didn’t give myself credit, what’s the point of that? But it was something I really spent time with and I worked very hard on it. One of the people interviewed in the Blu-ray extras, a professor at Northwestern University, who’s head of the film department, said he liked the films, but he was completely intrigued with the sound design. So, he found me and said, ‘I’m watching a porn movie, and the music is as good as anything I’ve ever heard.’ I said, ‘Well, I’m glad you noticed, because it was the thing I was really proud of, more than anything else.’

Dr. Caligari is different: there are no explicit sex scenes (although there are symbolic references to penetration, notably with syringes, the stump or the drill) and it’s more of a tribute to the original Caligari. How did you come up with this idea?

In fact, it was not originally my idea, I was hired to do it. The producer Gerald Steiner told me that he loved Nightdreams and suggested I do a sequel (I have done a couple of video sequels that don’t mean much to me, it was self-financed to pay for my theater projects. They’re not really part of my canon). He said he was willing to give me $90,000 and I agreed to do something. I didn’t really like the idea, but it gave me the opportunity to work with Jerry once again. Then, halfway through it, as we were writing the script, this man said to me, ‘Oh, I just found out The Cabinet of Dr. Caligari is in public domain. So that means you can use the title. Let’s call it Dr. Caligari.’ I said that it was a terrible idea because the film is so beloved, it’s such a classic, whereas I was supposed to make a low budget film. I thought I was going to be skewered no matter what, because people were going to ask why I would take this famous film and do a spoof. But he replied, ‘No money unless you do that.’ So, the title was forced on me. I suggested calling it Caligari A Go Go and making it a psychedelic film. But he refused. Then, I went to get into the spirit of the making of the film. I did some research, got back into the spirit, and I did a pop version of it.

It’s a visually driven film with a very expressionist aesthetic. You supervised the set design and there’s a real focus on the play of light and shadow and the choice of very bright colors. Did you draw inspiration from other films?

I think about Powell and Pressburger’s films. They had a profound influence, even in my still photo work. Whether it was The Red Shoes or any other fantastic Technicolor films which Jack Cardiff, the great cinematographer, shot, the artificiality of the work was something that really appealed to me, going back to when I was very young, just starting out. Although it took me years to finally learn how to properly do what they did, certainly not on their level, but being able to have that look was my goal.

Actors move in somewhat exaggerated motions; they are always in movement. We may say it’s a choreographed film. Yet at the same time it remains static, in a studio; you could almost call it a filmed play. How would you explain this ambivalent aspect of the film?

Once again, that’s a very good observation because what you say is true. That was extremely intentional. It goes back to a style I was trying to perfect while taking budget limitations into account. I had to get a style where I could have movement. With the cinematographer, I tried to be able to get each frame to look like a still picture in the film. Our goal was as follows: if you stopped the film at any point, you would see a beautiful still image. We had done so much still work together, with him as the photographer, and I was the director of photography, so the collaboration was easy. But that was limited because I couldn’t have the actors move out of their light, so they had to remain static. However, I don’t want a film that’s all static, I want movement. So, I created movement by the backgrounds, moving and putting the actors on wheels. That movement sometimes looked like camera moves, but it was really a static camera. The props, the furniture and the frame were moving. It’s very difficult to see that until I show people how I did it.

Here again, you highlight the voyeurism of the audience. There are glances at the camera, Mrs Van Houten says several times: ‘I know you’re watching me.’ We see giant eyes in surreal scenes. Is Caligari ultimately like a Café Flesh without the pornography, which would represent you best?

I think that’s absolutely right. In Nightdreams, the character’s name was Mrs. Van Houten, and her catchphrase was ‘I know you’re watching me.’ I brought that back into Caligari. As I said, it was intended to be a sequel to Nightdreams. Voyeurism has been a theme in everything I’ve done, including theater. I did a play all about Peeping Tom and voyeurism, which had quite a following in Los Angeles. And I think that theme started when I began at Hustler, because the entire magazine was about watching and voyeurism. I always found that as a good avenue to put visuals in.

There is also a political message, since we were in a time where psychotropic drugs were booming. The first scene of the film opens with a sign that reads ‘Better living through chemistry’. Was that important for you to highlight this particular problem of drugs?

Café Flesh came right out of the AIDS crisis, and, with Caligari, I sort of continued that theme of the government holding back on providing those drugs and prescribing the wrong drugs. The whole idea of setting it in an institution and calling it the CIA was intentional as well. I was very angry during the early AIDS crisis because so many of my friends and associates were dying, especially the ones that were gay, at first, and later everybody. It hit me hard, for the Reagan administration was doing nothing about it. They didn’t even mention, for years, the word AIDS or acted like it existed. Meanwhile, the artistic community was greatly affected by this disease. That’s why I included some little and subtle messaging.

Your films were not immediately commercially successful; however, they were critically acclaimed and adored by a punk, underground audience and found success years after, at midnight movie screenings. How do you explain their cult status, representative of midnight cinema?

My first goal was always to be an underground filmmaker. I did not have any ambition to work in the studio system, even though I’m a historian of the studio system going back to the silent era and I did so many posters for the studios. But I love the idea of underground, and I thought if I stayed in the underground and if I kept my budget low, I would have all the creative freedom. For me, my ambition was never to make a big horror film or a musical. It was to work within the genre area. Caligari got so many good reviews in not just the underground press, but the main press, like The Los Angeles Times which wrote a fantastic review. After that review had come out, I was getting lots of phone calls regarding mainstream films. I didn’t have much success because I don’t think my heart was ever in that. Besides, my approach to directing is not the average way somebody directs. I shoot only what I need and I don’t accumulate angles on every scene. In a film like Caligari, every scene I shot was used. When I went into television, I had difficulty because they would say, ‘Give us all different angles.’ And I said, ‘Well, I don’t shoot that way.’ I didn’t enjoy that experience, even though there’s a lot more freedom in television now. But when I was doing television in the 90s, the producers really had control of everything. In fact, when the director was done shooting, he wasn’t even usually allowed in the editing room. When I got a job as a production designer for television on one series called Silk Stockings, they gave me freedom in the beginning. I remember the show was on a big network, CBS, and the president of the network said that it was the best-looking show on television. Meanwhile, it was the lowest budget show. But for the first 10 episodes, they gave me the freedom to do basically what I wanted in terms of design and art department. But, of course, that did not go into the script or the directing. I didn’t want to continue because I could see so many directors end up working television back then: they’re paid so well,  it’s addictive, and you start forgetting about why you wanted to be a director to begin with. You sort of lose yourself. And in terms of success with Café Flesh and Dr. Caligari, you’re absolutely right. It was not a hit despite excellent reviews. Café Flesh, upon its release in the art film industry, played for a year in the porn theater, as it was supposed to. No one wanted it. After a week, people were walking out, demanding their money back. So, the people that financed it actually sold it to another company and it was in that company where one of the people in the promotion department said, ‘It’s not a porn film. It should be in an art theater.’ So, he set up a screening for the number one art theater in LA (on Friday nights, they were playing Eraserhead, on Saturday nights, Pink Flamingos). He sat down to watch it – I was next to him – and 10 minutes later, he said, ‘This is going to open at midnight and replace Eraserhead in two weeks.’ When it did, it ended up breaking the record of midnight shows that had played there going back 12 years and going back to the Rocky Horror Picture Show days. It took a long time to find its audience, but it turned out to be not a porn audience, it was much more in tune with midnight movies. Caligari also played at the Marketing Con, and it was seen by a lot of festival programmers. The Toronto International Film Festival, immediately after seeing it, called me and suggested Café Flesh to be the opening film of their Midnight Madness. They showed the film throughout the festival at midnight. It was really popular. That year, they put all the directors together for the midnight movies. Dario Argento was there, sitting next to me for Opera. Herk Harvey, who directed Carnival of Souls, was there too. I was sort of amazed because I was like 36 when I made Dr. Caligari, he was about 30 years older than I was, and he had never made another film after Carnival, for various reasons. I kept thinking, ‘Here’s a man who only made one film. But this only film is embraced and loved.’ Maybe it’s more important to make one great film than 30 average films that nobody really remembers. I remember saying, ‘This could happen to me.’ I’ve had a good career with other things, I didn’t depend on filmmaking for a career (I had my studio, my art and my photo projects); however, I had a real revelation about that, and it turned out to be true. In my case, it was true not because of any reason other than I got very sick for 15 years. I was pretty much retired for 15 years out of an illness and from liver disease. I ended up getting a transplant and came back and now I’m stronger than ever. I hope to get the budget for this new film I’ve been working on with Jerry Stahl for 10 years.

There is no more midnight cinema now; what future do you see for genre films, B movies? Do you think it is impossible to make films like Café Flesh and Dr. Caligari now?

Yes, but there is hope. And hope is not in the cinema, it’s in galleries. There could eventually be galleries, specifically for genre films where the profit isn’t that important, the main thing being to show these films. They’d have to be low budget. But I think that’s the only hope and it’s depressing. Do you know what makes it really depressing? My films that I made 40 years ago are beloved by young people. My audiences are 22, 23, they’ve never seen films made like this and they love it. That means there is an audience.

Ten years ago, you had a project called May’s Renewal. Why didn’t it materialize? Was no one willing to take the risk of financing it?

We’re still developing because we couldn’t get the money. We changed the title to Hell is Tender. I was given the money, but there are two caveats: I have to have the control because I’m making it low budget, under a million dollars. And I can’t have people telling me how to make the film. Normally, in the old days, I would have been less uncompromising. But at this age, I’d rather not make it if these conditions are not fulfilled. I want it to be within the budget. I think it will be made. But it’s been 10 years in the making, and the script has to keep getting changed because we have to update it. I haven’t given up, though. I need to make one more film and I have the energy of a 30-year-old. I can work 16 hours a day.

Is the release of these two Blu-ray box sets a form of recognition? Like a revenge on fate?

You know what? I never thought of that. That’s a really profound little observation. I wouldn’t call it revenge. I was never angry, but it is very satisfying. I guess both Mondo Macabro’s release in the United States and Carlotta’s release in France is fantastic. I never thought it was going to happen. It took me such a long time to get the rights to both of my films and the ownership of them. That’s a lot of work for filmmakers to own the film. Most directors don’t own their films, but I was fortunate to be able to get both the rights through, so that I control it. In the case of Mondo Macabro, that was the smallest offer I got, but I love the company and the films they make. It was the best decision I ever made, and I’m completely satisfied with how they’re promoting and doing it. As for Carlotta, it’s the same. In fact, the box set of Café Flesh is everything I could have hoped for: it’s a beautiful set which was worth the 30 years of obscurity… It had a small following before, but now, it’s bigger than ever: for instance, in the Letterboxd review section, Caligari has 6,000 to 7,000 reviews, which is enormous for a little film. Café Flesh does the same thing and more and more every day. I noticed, after the screening at l’Étrange Festival, by the very next morning, there were so many reviews, and 90% of them were very good. So, I would say revenge in the best way, not in an angry way, because that’s not me, but I must admit it’s very satisfying that the fans have embraced it. During the Q&A, everybody was having a great time, you could feel good energy, people were laughing. My films played at the Institute of Contemporary Art in London this past March and were beautifully received. We got a lot of publicity because the pop star Charlie XCX was there. That helped us because she wrote a review and people followed her. I didn’t even know who she was when I was talking to her. I thought she was a young fan. When I said the film isn’t sexy at all and the sex scenes are boring, she said, ‘I didn’t find it boring.’ I replied, ‘Well, you’re one of the only people.’ Anyway, it has been embraced and it does feel terrific!

[1] Interviewé par nos soins en 2023 : https://zone-critique.com/critiques/entretien-avec-jerry-stahl/

[2] https://carlottafilms.com/realisateur/stephen-sayadian/

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