Danny Boyle est un cinéaste de la démesure aux énormes succès internationaux : de Trainspotting à Slumdog Millionnaire en passant par 127 Heures, Sunshine ou Steve Jobs, Boyle a abordé à peu près tous les genres en imposant son style entre pop culture et réflexion sans concession sur la société, qu’il décrit dans ses aspects les moins reluisants. Ravages de la drogue, jeunesse désœuvrée, claustrophobie, rançon de la gloire, folie collective… sont autant de sujets qu’il aborde régulièrement. Avec son quatorzième long-métrage, 28 Ans plus tard, il reprend l’histoire de 28 Jours plus tard, un film de zombies à petit budget sorti en 2001 annonciateur du 11-Septembre entre autres. Cette fois, c’est à l’épidémie de Covid et au Brexit que l’on pense, dans une Grande-Bretagne isolée du reste de l’Europe et confinée. L’histoire se concentre sur une petite communauté qui s’est établie à Lindisfarne, une île accessible à marée basse, et survit comme elle peut, et suit principalement les traces de Spike, un petit garçon de douze ans. C’est à l’occasion de son passage au BIFFF (Festival international du film fantastique de Bruxelles) en avril dernier pour évoquer 28 Ans plus tard (sorti le 18 juin), où Danny Boyle avait déjà présenté en avant-première Petits Meurtres entre amis, son tout premier long-métrage (1995), que ce dernier a répondu à quelques questions d’À Rebours et a donné une conférence que nous reproduisons ci-dessous dans ses grandes lignes.

À Rebours : Pour 28 Jours plus tard, vous aviez l’ambition de ne pas réaliser un film de zombies, vous qui n’étiez ni amateur ni familier du genre du film d’horreur. Vous souhaitiez moderniser le mythe et éviter le remake et la répétition. Avec 28 Ans plus tard, qui en est la suite, quel est votre objectif ? Peut-on dire que vous avez suivi la même logique que pour Trainspotting, avec une suite vingt ans plus tard ?
Danny Boyle : Il y a quelques années, le scénariste Alex Garland a écrit un très bon scénario sur le virus qui se révélait être une arme de destruction massive conçue par les soldats chinois. Mais il ne s’est pas concrétisé par un film indépendant, car ce genre de scénario est plus adapté à une suite d’un film déjà existant. Qu’en avons-nous donc fait ? Tout est une question de business. C’est un peu ennuyeux, mais très important. Les droits du film original avaient déjà vingt ans, ce qui correspondait à la durée du contrat initial avec la Fox. Quand la Fox a été rachetée par Disney en 2019, tout le monde s’attendait à ce que les droits soient reconduits et qu’un autre contrat soit conclu pour la sortie du film prévu. Mais nous avons repris les droits, ce qui était tout à fait légitime, et nous avons dit : « Si vous voulez acquérir les droits de cette franchise [qui avait donné 28 Jours plus tard et 28 Semaines plus tard) qui est toujours vue et projetée dans le monde entier et dont les DVD se vendent toujours, vous devez non seulement les acheter mais en plus vous engager à financer trois films supplémentaires. » Nous avions en effet eu l’idée d’une trilogie inspirée du film original. Le virus est repoussé par les Français en Angleterre (ce qui plaira beaucoup aux Français) et l’Europe continentale se retrouve préservée de l’infection, qui se localise dorénavant dans la « fosse septique » de l’Angleterre et des îles britanniques. C’était une décision délibérée de notre part, car nous souhaitions réaliser un film sur l’Angleterre, même si une partie du film se déroule en Écosse. Nous avons eu la chance que Sony se manifeste et finance les deux premiers films de cette trilogie. Chacun des trois doit être indépendant les uns des autres et se suffire à lui-même, vous pourrez donc les regarder dans n’importe quel ordre, ils ne se chevauchent pas. Il y a néanmoins un personnage qui les traverse tous et qui est issu du film original, c’est bien sûr Cillian Murphy. Ce dernier n’apparaît pas en tant que tel dans 28 Ans plus tard. À l’heure actuelle, nous avons tourné les deux premiers films (le second a été réalisé par Nia DaCosta, qui avait mis en scène Candyman en 2021) et nous sommes en train de lever des fonds pour le troisième. Mais tout dépendra de l’accueil réservé au premier film lors de sa sortie en juin.

Le principal défi consistait à éviter la répétition. Vous dénichez une bonne histoire que vous voulez vraiment transmettre, même si vous avez l’impression que vous avez déjà abordé peu ou prou le même thème, mais peu importe, vous vous lancez quand même car vous êtes persuadé que vous possédez une très bonne idée de film. Il y a aussi un aspect commercial à prendre en compte, il ne faut pas se leurrer, surtout de nos jours où il est de plus en plus difficile de collecter de l’argent pour des films qui soient vraiment intéressants et qui se distinguent de ce qui se fait habituellement. Il est beaucoup plus facile de rassembler des financements pour une franchise qui a déjà obtenu du succès auprès du public. Mais ce n’est pas pour autant la raison majeure pour laquelle nous avons fait 28 Ans plus tard. Si nous nous sommes lancés dans cette aventure, c’est parce que nous nous sommes passionnés pour cette histoire, et parce qu’elle est suffisamment différente du film original pour que cela vaille la peine d’en réaliser un film. Ce que nous ne voulions pas, c’était cloner le premier film à l’identique, même si vous retrouverez quelques éléments familiers.
Il est toujours un peu embarrassant de revenir à ses premières amours, comme lorsque vous tombez sur de vieilles photos de famille. Vous vous revoyez alors sur le tournage de votre premier film, quand vous aviez vingt ans de moins. Mais c’est malgré tout un privilège de pouvoir retrouver ce monde qui vous est familier. C’est moins évident dans ce film parce qu’on ne retrouve qu’un personnage du film original, qui est Cillian (même s’il ne figure pas en tant que tel dans 28 Ans plus tard, il est malgré tout un personnage à part entière de la trilogie). Dans T2 Trainspotting, on les retrouvait tous, incarnés par les mêmes acteurs. Sans compter que la conception que vous aviez, au départ, du film original a changé entre-temps. C’est comme si vous proposiez un rôle à un acteur, que vous tourniez le film avec lui et que, des années plus tard, vous vous demandiez rétrospectivement : « Oh, qu’est-ce que ça aurait donné avec Sean Connery ou avec un autre ? » On ne se souvient jamais tout à fait de l’idée initiale qui vous a poussé à réaliser le tout premier film, car tout évolue.
28 Jours plus tard pouvait faire penser à l’époque à des épidémies comme Ebola, voire au 11-Septembre (on se souvient de la scène avec un Piccadilly Circus désertique). La pandémie du Covid a-t-elle été une source d’inspiration pour 28 Ans plus tard ?
Je pense que le seul lien qu’on peut établir avec le Covid est le traitement réservé à la nature. Pendant le Covid, nous nous sommes tous comportés de manière un peu bizarre, en se barricadant chez soi tout en portant des masques et autres accoutrements stupides. On vivait dans un monde aseptisé. Il n’y a rien de tout cela dans ce film. Pour autant, pendant l’épidémie de Covid, de nombreuses personnes ont entendu le chant des oiseaux et se sont dit : « Wow, je n’y avais jamais vraiment prêté attention auparavant. » 28 Ans plus tard n’est pas un film urbain, contrairement au tout premier, c’est un film sur la nature qu’on redécouvre. Il se déroule à la campagne, plus précisément en Northumbrie, une région sauvage et magnifique du nord-est de l’Angleterre, au-dessus du Yorkshire. Il commence à Lindisfarne, également appelée Holy Island (l’île sainte), une île célèbre séparée de l’Angleterre continentale par une chaussée, qui constitue leur véritable protection. C’est par là que le christianisme a pénétré au Royaume-Uni. Elle a aussi été assiégée par les Vikings. Dans le film, c’est à cet endroit que les survivants se sont rassemblés, ont vécu toutes ces années et se sont protégés du virus qui sévissait sur le continent. Mais le but du film consiste aussi à se demander comment le virus a évolué et comment nous-mêmes avons évolué également. Que nous est-il arrivé, à nous et à la Grande-Bretagne, en vingt-huit ans ? Que s’est-il passé pour les survivants ? L’événement le plus évident qui s’est déroulé en Grande-Bretagne dans cet intervalle entre le premier film et maintenant est bien sûr le Brexit : nous n’appartenons plus à l’Europe. L’isolement est donc une idée courante aujourd’hui, que 28 Ans plus tard aborde. Même s’il ne s’agit pas d’un film politique, c’en est un symbole.
Le confinement, ou l’espace confiné (une maison, un vaisseau spatial, une île, un canyon), dans vos films, conduit souvent à la folie, à la peur primale. Pourquoi cette obsession pour l’espace clos ?
Car c’est très cinématographique. Je dirais même que c’est une vision particulièrement britannique du cinéma. Nous n’avons pas, en Angleterre, l’immensité des paysages de l’Amérique, donc la conception que nous pouvons porter sur ce qui nous entoure est différente. Malgré tout, il y a de beaux paysages dans ce film. Tout part de cette petite communauté en autarcie : le personnage principal est un enfant qui quitte son environnement familial et communautaire pour se rendre sur le continent. Il y a là un élément que l’on pourrait qualifier de très cinématographique. J’aime cette pression imposée à l’individu et au groupe.
28 Jours plus tard était un film à petit budget. Êtes-vous resté dans cette même logique pour la suite ou avez-vous bénéficié de moyens plus importants ? Pensez-vous que, pour un cinéaste, disposer de peu de moyens peut encourager sa créativité ?

C’est à vous d’en juger. Pour celui-ci, nous disposions de beaucoup plus d’argent, ce qui ne nous a pas empêché de le dépenser ! Il a surtout servi au repérage des lieux de tournage, des endroits très reculés difficiles d’accès. Plus on s’éloigne de l’humanité, plus c’est compliqué. Les êtres humains sont présents partout sur la planète, il est donc difficile d’effacer toute trace de leur passage. Cela a coûté plus cher que les effets spéciaux. Sans compter que tous les membres de l’équipe voulaient travailler pour un salaire plus que convenable. Étant donné que le premier film avait été un grand succès, on ne pouvait plus prétendre être fauchés et demander à l’équipe de se dévouer pour la cause bénévolement. Rien n’est gratuit maintenant. Et même si 28 Ans plus tard a coûté plus cher que le premier, nous avons tâché de conserver le plus possible l’esprit du film. Nous avons eu recours à plusieurs types de caméra, y compris des iPhones. Les gens pensent que tout le film a été filmé avec l’iPhone, ce n’est pas tout à fait vrai. Nous avons disposé de la même flexibilité que pour le premier film, qui avait été tourné intégralement en numérique (ce en quoi il était pionnier en la matière).
La culture pop occupe une place importante dans vos films, pourquoi ?
J’inclus toujours beaucoup d’éléments culturels dans mes films et la culture pop en fait partie, elle est très importante pour moi. Je ne la méprise pas du tout, au contraire je la considère comme partie intégrante d’une culture d’élite. Les chansons pop sont une forme d’art élitiste dans mon système de croyances. Il est intéressant de noter que le personnage principal du film a douze ans ; or, le virus a commencé à se propager vingt-huit ans plus tôt, ce qui fait qu’il n’a connu que l’époque du virus et qu’il ne sait pas ce qu’est le numérique, il n’a jamais entendu de chansons pop ou autres. C’était très contradictoire car les enfants de douze ans à notre époque sont justement des créatures du numérique, ils ont grandi avec. Ils ne savent pas à quoi ressemble le monde sans iPhone, ils sont complètement saturés par cette technologie. Si vous essayez de leur faire comprendre qu’un monde sans technologie a existé et est possible, ils n’arriveront pas à le concevoir. J’ai trouvé cette expérience très intéressante. Cela dit, il y a une autre forme de culture dans le film, c’est celle de la mémoire : les souvenirs des survivants, qui concernent surtout tout ce qui a un rapport avec le nord-est de l’Angleterre. Et ils transmettent ces souvenirs pour ne pas disparaître.
Entretien réalisé et traduit de l’anglais par Guillaume Narguet.
Extraits de la conférence donnée au BIFFF le 12 avril 2025 :
Sur la jeunesse de Danny Boyle

Je viens d’un milieu ouvrier catholique de Manchester et j’avais initialement prévu de devenir prêtre. C’est ce que souhaitait ma mère. Je retrouve beaucoup de similitudes entre le prêtre et le réalisateur : on passe son temps à dire aux gens ce qu’ils doivent faire et comment ils doivent penser, etc. Il y a apparemment beaucoup d’autres exemples, dans l’histoire du cinéma, de réalisateurs ayant eu la vocation de prêtre : John Woo, Martin Scorsese… J’étais censé étudier au séminaire. Un professeur de mon école m’a alors dit : « Je ne pense pas que tu devrais te diriger dans cette voie, tu devrais attendre encore un peu. » Mais ma mère voulait vraiment que je m’y consacre. Pour elle, c’était un rêve, pour moi une prison. Je ne m’y suis finalement pas rendu, et j’ai découvert les filles… J’ai fini par aller à l’université de Bangor, dans le nord du Pays de Galles. J’ai fait mes premiers pas dans la réalisation, même si j’avais déjà réalisé des films à l’école. Nous avions l’habitude d’organiser des assemblées scolaires, où je me retrouvais chargé de dire aux gens quoi faire (se tenir ici, faire cela, ce genre de choses, sans vraiment réaliser ce en quoi cela consistait). J’ai continué à l’université, puis j’ai trouvé un emploi au théâtre en tant qu’assistant régisseur, chargé de conduire le camion ; c’est comme ça qu’on gravit petit à petit les échelons et qu’on finit par mettre en scène de petites pièces.
D’un enfant de chœur au punk
J’ai eu beaucoup de chance, car le mouvement punk est arrivé au Royaume-Uni quand j’avais 18-19 ans, et cela m’a beaucoup influencé. J’étais un punk assez classique, pas un mohican. Je considère ce type de culture (culture pop, pop art, musique pop) comme un art à part entière. Il existe une forme très raffinée de culture, la musique pop que vous écoutez, et je pense que cela transparaît dans les films. 28 Ans plus tard comprend une bande originale composée par Young Fathers, un groupe d’Édimbourg, des gars incroyables, et c’est la première fois qu’ils composent pour un film. Auparavant, nous avions repris quelques-uns de leurs morceaux pour T2 Trainspotting.
Lien entre punk et cinéma de genre
Les deux sont irrespectueux, ils méprisent les conventions et les bonnes manières. Je pense que c’est essentiel. J’ai toujours essayé d’appliquer cela à mes films : faire en sorte de s’en prendre aux créateurs de tendances, aux arbitres du bon goût, à ceux qui disent que les choses doivent être faites d’une certaine manière et non d’une autre. C’est à eux que cet irrespect s’adresse. Il peut y avoir des éléments insoutenables dans le punk, et c’est là l’essence même du genre. J’adore ça dans le cinéma d’horreur.
Le cinéma dans la jeunesse de Danny Boyle
Il n’y avait pas beaucoup de cinémas d’art et d’essai autour de chez nous, à Manchester. J’avais l’habitude de me rendre dans un endroit appelé Hulme où il en existait un, l’Aaben Cinema. Il y avait quatre salles où l’on pouvait voir tous ces films français et espagnols bizarres que je ne comprenais pas vraiment. J’avais pris l’habitude d’assister à plusieurs séances dans la journée. J’ai appris plus tard que Morrissey s’y rendait aussi, à la même époque, puisqu’on a le même âge. Cette première expérience du monde des films m’a marqué et a été fondatrice. Je me souviens de la sortie d’Orange mécanique, que j’ai vu avant qu’il ne soit interdit (il y a d’ailleurs un lien entre celui-là et 28 Ans plus tard). Ce film a été fondamental. Et l’Exorciste a été un autre film marquant : en tant que catholique, j’ai eu du mal à le regarder car il est difficile, mais il exerçait une puissance et un effet incroyables sur moi.
Influence sur ses goûts cinématographiques

Nicolas Roeg, qui a réalisé l’un des plus grands films d’horreur de tous les temps, Ne vous retournez pas. Il ne respectait pas les normes dans sa façon de monter les scènes, cela allait à l’encontre de ce qui se faisait. Même aujourd’hui, des gens ne cessent de vous répéter : « Tu devrais vraiment couper ici, tu ne devrais pas faire ça comme ça ». Mais ce n’est pas votre façon de faire et de penser et vous voulez bousculer les maîtres du bon goût dont j’ai parlé tout à l’heure.
Expérience au théâtre et à la télévision
Je me suis rendu au Royal Court Theatre de Londres, un théâtre formidable pour les nouveaux auteurs. Il est spécialisé dans les nouvelles pièces contemporaines et porte un très grand respect aux auteurs, une valeur qui m’a énormément aidé ensuite dans ma carrière. Je n’étais pas très familier de ce monde-là, je n’étais jamais allé au théâtre avant l’âge de 16 ans. J’y ai trouvé un petit boulot pour gagner un peu d’argent et j’en ai profité pour assister à tous les spectacles, qui m’ont émerveillé. Cela sortait tout à fait de mon ordinaire, puisque dans mon milieu, on n’allait pas au théâtre. Puis j’ai saisi une opportunité d’emploi dans le cinéma, à la BBC, en Irlande du Nord. C’était très dangereux, dans ce coin-là, à l’époque. J’avais un ami qui vivait à Belfast, j’en ai donc profité pour le rejoindre. J’ai postulé, sachant que les nominations posaient toujours un sérieux problème selon qu’ils embauchaient un catholique ou un protestant. Pour contourner ce problème, les grands pontes de la BBC privilégiaient le recrutement d’une personne extérieure à l’Irlande du Nord. J’ai donc obtenu le poste et j’ai appris à utiliser une caméra en réalisant des téléfilms d’une heure. Parfois, je faisais appel à d’autres réalisateurs, comme mon ami Alan Clarke, qui a réalisé Elephant. C’est un film extraordinaire qui a beaucoup influencé le propre film Elephant de Gus Van Sant sur la tragédie de Columbine (celui d’Alan Clarke se déroulait en Irlande du Nord). Le premier film que j’ai réalisé avait pour thème le football, on y découvrait notamment un jeune espoir, George Bess. J’ai enchaîné les petits boulots à la télévision et j’ai tourné quelques épisodes de l’Inspecteur Morse, dont l’un, en 1992, sur le monde des raves acid house. C’était la première fois que cet univers était montré à la télévision britannique et c’était dans un épisode de Morse, une série tout ce qu’il y a de plus conventionnel ! Un jour, j’ai reçu un scénario, intitulé Petits Meurtres entre amis. J’ai rencontré le producteur Andrew MacDonald et le scénariste John Hodge et je le leur ai dit : « Vous avez plagié les frères Coen, n’est-ce pas ? ». John a confirmé et j’ai répondu : « Eh bien, copiez-en un peu plus ! ». Nous avons très bien travaillé ensemble et avons obtenu un million de livres sterlings pour tourner le film. Le tournage a eu lieu à Glasgow (bien que l’histoire se déroule à Édimbourg) et s’est achevé en trente jours. Il existe une théorie, que je trouve assez juste, selon laquelle le premier film qu’on tourne est toujours le meilleur. C’est une théorie intéressante car, même s’il est évident qu’on s’améliore avec l’expérience, cela ne signifie pas nécessairement qu’on fait de meilleurs films au fil du temps. Prenez par exemple les frères Coen, ils ont bien sûr réalisé une série de chefs-d’œuvre mais existe-t-il, dans leur filmographie, un meilleur film que Blood Simple, leur tout premier ? Probablement pas. Mon père a vu tous mes films, jusqu’à Slumdog Millionaire (il est décédé peu après). Il disait souvent, après la sortie de chaque nouveau film : « Oui, c’est pas mal, mais ce n’était pas aussi bien que Petits Meurtres entre amis. » Le scénario de ce film est lui aussi extrêmement anticonformiste. Il a été rédigé par un médecin (les médecins font en général de très bons écrivains, car ils ont le privilège de nous observer quand nous sommes dans un état de grande fragilité et de vulnérabilité et peuvent témoigner des choses terribles dont nous sommes capables). Ils disposent donc d’une matière première très riche. Ajoutez à cela l’humour noir très particulier des Écossais, et vous obtenez un scénario comme Petits Meurtres entre amis. On le voulait provocateur, à l’image des Écossais. Je ne suis pas écossais, mais quand on travaille en là-bas avec une équipe écossaise, il faut faire ses preuves, surtout quand on est Anglais. Et c’est tout à fait compréhensible. Sur le plan stylistique, le spectateur doit se rendre compte tout de suite qu’il s’agit d’autre chose qu’un drame d’époque ou une comédie romantique sympathique. Nous avons eu beaucoup de chance de trouver ces acteurs pour incarner les trois horribles personnages principaux. L’un d’eux, Chris Eccleston, a ensuite joué le rôle de Doctor Who pendant un certain temps et Ewan McGregor est évidemment devenu Obi Wan Kenobi.
C’est Channel 4 qui a collecté l’argent pour le film. En contrepartie, ils nous ont imposé la présence d’un type sur le plateau pour nous surveiller, mais nous ne nous sommes pas du tout entendus avec lui et l’ambiance était assez tendue… Le troisième jour, nous tournions la scène de la morgue, où l’on voit la tête puis le corps de Christopher Eccleston mort. Nous avions consacré toute une matinée à essayer de la tourner comme il le fallait, mais nous avions beaucoup de mal. Le type de Channel 4, voyant le retard qui commençait à s’accumuler, a alors dit aux financeurs qu’il fallait remplacer le réalisateur (on l’a su par un complice infiltré chez Channel 4). Nous avons donc appelé tout de suite la chaîne et nous avons dit qu’il fallait virer ce type et que c’était non négociable. Ils ont répondu : « D’accord, mais si vous prenez encore plus de retard, c’est vous que nous virons. » Bref, nous nous sommes débarrassés de lui et avons bouclé la scène dans les temps. Mais à la fin, nous manquions d’argent et nous étions contraints de vendre les accessoires de tournage, les meubles, etc. pour pouvoir financer les scènes restantes du film. Pour l’anecdote, pour cette fameuse scène de la morgue, Chris Eccleston devait être enfermé dans un réfrigérateur mortuaire, nu et recouvert d’un drap. Mais quand nous l’avons poussé à l’intérieur, il a paniqué, a poussé de toutes ses forces pour ressortir aussitôt et nous a dit qu’il y avait d’autres corps à l’intérieur. Ce qui était vrai… On ne pouvait pas les sortir, même pour une journée, car ils se seraient décomposés. Ce constat étant posé, Chris nous a fait savoir qu’il ne pouvait pas continuer. Ce dur à cuire a vraiment paniqué quand on a fermé le tiroir de la morgue et filmé pendant 45 secondes (au cours desquelles il est resté tout seul), ce qui correspond au générique de fin. Nous avons fini par lui proposer de mettre quelqu’un avec lui dans le réfrigérateur pour le rassurer. Si vous écoutez bien la bande originale, vous entendez une personne qui, quand la porte de la chambre mortuaire se referme, murmurer à Chris : « Tout va bien se passer. »

Collaboration avec des acteurs irlandais et écossais
Je suis d’origine irlandaise. Ma famille a passé beaucoup de temps en Irlande du Nord et je viens d’une ville du nord. Comme tous les gens du nord, on a tendance à se dire que Londres n’est pas une ville faite pour nous, même si j’y vis à présent. Dès que je le peux, je sors de Londres pour travailler, surtout avec des acteurs irlandais, gallois et écossais.
Les erreurs de débutant
C’est embarrassant à reconnaître. Dans la scène où Ewan se fait poignarder à l’épaule, on voit bien que le faux sang est d’une couleur assez douteuse. Mais je pense que cela fait partie du charme de ce film. Quand le personnage de David se fait trancher la gorge, les spectateurs, à la sortie du film, ont poussé un grand cri, je m’en souviens parfaitement. Cela signifie que l’effet était plutôt réussi, j’en étais assez content. Maintenant, tout le monde s’habitue à la violence.
Les personnages muets des criminels dans le film
Ils représentent simplement une menace, ils n’ont pas d’histoire qui justifierait d’être expliquée d’une manière ou d’une autre. Tout ce qui importe dans le film, ce sont les trois protagonistes (les colocataires) et la façon dont ils se comportent. Ce sont eux qui sont vraiment effrayants, bien plus que les voyous au début du film qui représentaient une menace en apparence. La véritable menace, elle vient de ces trois affreux personnages qui humilient Cameron, ce jeune homme un peu naïf qui veut intégrer leur colocation. D’une certaine manière, ce sont des monstres. Et c’est aussi une vision très sombre de l’Écosse.
Le flop d’Une Vie moins ordinaire
Il existait autrefois une règle dans la distribution cinématographique (mais ça a changé aujourd’hui avec le streaming) : si un film rencontrait un énorme succès quelque part, il y avait toujours une autre partie du monde, disons la Slovaquie, où c’était un gros échec, sans qu’on sache très bien pourquoi, et vice versa : quand le film fait un four, on trouve toujours un endroit (comme la Slovaquie) où c’est un succès. Le titre vient d’une expression en anglais (« life less ordinary »), qui est très utilisée aujourd’hui dans la publicité notamment. Et c’était la première fois que cette expression était reprise pour un titre de film. Je me souviens que tout le monde disait que c’était un titre complètement insensé. C’est peut-être une des raisons pour lesquelles le film a été un terrible échec, sauf en Slovaquie. Je l’ai revu récemment au Bath Film Festival, donc dans la ville de Bath, où vit John Hodge (comme Ken Loach). C’est un festival qui se situe un peu dans l’esprit de Jane Austen. En revoyant ce film, je me suis dit qu’il était plutôt bon, alors que je suis généralement très critique sur mon travail. C’est une comédie romantique assez originale.
Le montage de 28 Jours plus tard
Le monteur, Chris Gill, était extraordinaire. Il a adoré monter ce film et travailler sur la texture des images (qui avaient été filmées avec un angle d’obturation très élevé, ce qui donnait un aspect très net à l’image qui correspondait bien à son style de montage). Certaines de ses retouches sont visibles, d’autres sont presque imperceptibles, mais c’est très caractéristique de son style.
Équilibre entre moments calmes et explosions de violence
Je pense qu’il faut toujours essayer de trouver un certain équilibre entre les moments de tension et les moments plus calmes. Une partie du plaisir d’un film d’horreur réside évidemment dans le suspense, dans le fait de savoir que quelque chose est sur le point de survenir. Et quand cela se produit, une autre partie du plaisir consiste à ne pas pouvoir prédire exactement la manière dont l’action va se dérouler et comment les personnages vont être confrontés aux forces ténébreuses qui les entourent.
Le scénariste Alex Garland

Alex est d’abord un romancier et nous avons adapté son roman la Plage, avec John Hodge. Alex est venu plusieurs fois sur le lieu de tournage et il était très clairement intéressé par tout le processus de réalisation. Il a une grande sensibilité artistique et écrit de manière très cinématographique. Il était donc évident qu’il voulait s’y essayer. Pour 28 Jours plus tard, il est venu avec son scénario, nous avons travaillé dessus, puis nous nous sommes lancés très vite dans la réalisation. Un passage de son scénario mentionnait une virée dans les rues désertes de Londres, mais ce n’était qu’un paragraphe. J’ai adoré ce passage et j’ai souhaité en faire, avec son accord, une longue séquence d’ouverture. L’avantage était que je n’avais même pas besoin de travailler énormément sur la réécriture, tout était déjà prêt à être tourné, ou presque. Alex écrit très vite après avoir longuement réfléchi à son sujet (parfois pendant des mois), comme John Hodge. Pour ceux d’entre nous qui ne savent pas écrire de scénario, ça peut être frustrant, car il peut littéralement pondre un scénario en un week-end.
Je m’y suis essayé moi-même sur 127 Heures, j’ai rédigé un premier jet. Je ne suis pas doué pour écrire des dialogues, je trouve ça assez difficile d’humaniser les personnages ou de les rendre monstrueux tout en étant presque comiques, ce qui est la spécialité de John. Je peux m’occuper de la structure générale, et j’adore ça. C’est ma méthode de travail avec les scénaristes : je pose les bases, mais je connais mes limites. Nous avons tourné 28 Jours plus tard dans les rues de Londres en juillet 2001. Nous commencions très tôt le matin, dès 3h30 et nous avons profité d’une semaine entière de très beau temps. À cette période de l’année, on ne peut tourner que quelques heures à Londres. On commence quand la lumière point et c’est magnifique, surtout quand il n’y a personne dans les rues. On y croisait quelques ravers qui sortaient des clubs et qui trouvaient ça marrant d’assister à un tournage en direct. Et nous avons eu l’idée très astucieuse de recourir à de jolies filles pour stopper la circulation des voitures, car nous n’avions pas les moyens de payer la police pour le faire. Ça représente un sacré budget… Pour des films comme Mission Impossible, ce n’est pas un problème, mais pour le nôtre, c’était justement mission impossible. En revanche, vous avez le droit de demander aux automobilistes de s’arrêter un certain temps. Mais nous avons estimé que si nous demandions à des hommes de stopper le trafic, ça se terminerait très certainement en bagarre (à cette heure, il y a en majorité des hommes au volant, des chauffeurs de taxi notamment). Nous avons donc recruté beaucoup de jolies filles, dont ma propre fille qui avait 18 ans à l’époque, pour faire la circulation. Elles se penchaient simplement vers les voitures et demandaient aux chauffeurs s’ils pouvaient patienter quelques minutes. Et ça a fonctionné ! Nous avons eu beaucoup de chance, nous avons même pu filmer près de Downing Street. Nous étions sur le point de terminer une scène lorsque des agents de sécurité sont arrivés et nous ont demandé ce qu’on faisait là. Je leur ai répondu en mentant un peu que nous avions une autorisation, ce qui n’était évidemment pas le cas. Ils l’ont découvert et j’ai dû me confondre en excuses en disant que c’était une erreur. Ils m’ont alors répondu que ce n’était pas si grave et qu’il fallait qu’on se dépêche de terminer. Aujourd’hui, ce ne serait plus possible, on vous tire dessus avant même que vous ne bougiez. Deux mois plus tard, le 11-Septembre a eu lieu et cela a bizarrement changé toute la perspective du film lorsqu’il est sorti. En effet, c’était le premier long métrage qui traitait vraiment du sujet de la panique collective et qui mettait en évidence la vulnérabilité des villes, qu’on pensait inattaquables. Jusque-là, elles semblaient s’étendre à l’infini. Et soudain, un sentiment de peur s’est emparé des citadins avec les événements du 11-Septembre, et tout a changé. Je pense que c’est l’une des raisons pour lesquelles le film a trouvé un certain écho auprès du public. À l’origine, le film devait traiter du sentiment de la rage, ce moment où l’on perd toute maîtrise de soi. L’idée « était de traduire ce sentiment de rage en un virus qui domine tout, dont on ne peut pas se débarrasser. Mais en réalité, au moment où le film est sorti, l’histoire a été interprétée de manière toute différente, bien plus ambitieuse : cette vulnérabilité qu’on mettait en évidence s’étendait à toute l’humanité. Nous avons interrogé plusieurs artistes pour tenter de définir comment nous devrions représenter les infectés. Je me souviens avoir discuté avec les frères Chapman, Jake et Dinos, qui façonnent notamment des petites figurines représentant des SS et d’autres personnages similaires. Ils se rattachent au mouvement artistique Saatchi. Selon eux, les infectés devaient être des hommes en érection qui devaient courir partout sur le plateau. Nous n’avons évidemment pas retenu cette idée, mais elle nous a été très utile. Dans tous les cas, ça aurait été effrayant pour tout le monde.
Ambiance sur le plateau
Les acteurs sont excellents, 90 % du film reposent sur leurs épaules. Quel que soit le genre de film dramatique, si le jeu des acteurs est mauvais, vous vous en désintéressez immédiatement. À moins de porter un intérêt à tout autre chose, ce sont toujours les bons acteurs qui font la différence. Et nous avons eu beaucoup de chance d’avoir Brendan Gleeson dans le rôle du père, Cillian, Naomi et toute une équipe formidable.
Science-fiction et Sunshine

J’adore la vraie science-fiction, la hard science-fiction, les vaisseaux spatiaux, les espaces confinés… Mais cela doit rester réaliste. Je ne suis pas un grand fan de fantasy, ni de Star Wars. Je suis plutôt du genre Aliens. C’est souvent la même histoire : un vaisseau reçoit un signal de détresse (d’un autre vaisseau ou d’une planète) et y répond, alors qu’il ne devrait pas. Si l’on répète toujours la même histoire, c’est parce qu’on n’a pas encore tout à fait l’expérience de ce qui pourrait se passer dans l’espace, nous ne l’avons pas tellement exploré. Ou alors on se laisse aller à des histoires fantastiques comme Star Wars, où l’imagination prend le dessus et où l’on invente ce qu’on veut. La hard science-fiction est beaucoup plus limitée, en attendant d’en découvrir un peu plus sur ce monde inconnu. Les recherches entreprises pour Sunshine ont été passionnantes. Nous avons même appris que des études sur le sperme de porc dans l’espace étaient en cours. Pourquoi du sperme de porc ? Eh bien les chercheurs se demandent si le fait d’être dans l’espace peut avoir un effet sur le sperme, car à un moment donné, nous concevrons peut-être tout là-haut. Et ils cherchent à savoir si l’apesanteur, l’environnement spatial, les radiations… peuvent avoir des effets nocifs.
Implication dans Alien 4
Il y avait un très bon scénario, écrit par Josh Whedon. Je me souviens avoir rencontré Sigourney Weaver, une expérience extraordinaire. Avez-vous déjà vu une personne à la peau translucide ? Vous la regardez et vous pouvez voir leurs veines et le sang circuler à l’intérieur. Peut-être étais-je simplement obsédé par elle ? Mais c’était une très belle femme, merveilleuse et intéressante. J’ai aussi rencontré Winona Ryder, qui tenait également un rôle. J’étais prêt à le tourner, mais les effets spéciaux me posaient un problème. Leurs débuts étaient encore balbutiants. Nous nous placions dans une logique différente de celle de Ridley Scott, qui avait recours à une marionnette dans laquelle se trouvait un membre de la tribu Masaï. Une façon traditionnelle de faire les choses. Pour ma part, je ne maîtrisais pas les images de synthèse. J’ai beaucoup appris depuis, mais cette lacune m’a fait perdre toute confiance en moi et j’ai abandonné. Je me disais que je ne ferais pas un bon travail.
Les images de synthèse dans Sunshine
C’était un peu plus facile avec Sunshine car les images de synthèse ne concernaient que l’extérieur du vaisseau. Tout ce qui se trouvait à l’intérieur avait été construit dans des studios à l’est de Londres, avec très peu d’argent. En voyant le résultat, on croirait que cela a coûté beaucoup plus cher que ce que nous avons dû payer, et je rends là hommage à tous les concepteurs et techniciens qui ont fait un travail extraordinaire. Nous en avons eu pour moins de 20 millions de dollars, ce qui peut sembler évidemment énorme, mais pour un film de cette envergure, c’est relativement peu.
Acteurs dans Sunshine
Nous voulions une équipe internationale. Il nous semblait évident que ce genre de mission serait forcément multiethnique et nous avons sélectionné les meilleurs acteurs. J’avais toujours voulu travailler avec Michelle Yeoh, Chris Evans, qui est devenu depuis Captain America. Cliff Curtis est un merveilleux acteur maori, un type formidable. Ainsi que Troy Garity, le fils de Jane Fonda, et Rose Byrne.
L’influence d’Alien

Alien a exercé une grande influence. Je l’ai revu récemment et je le trouve toujours aussi génial. On m’a montré une vidéo où, dans le cadre de ces tables rondes avec des réalisateurs organisées pour les Oscars, on leur demandait de choisir leur scène de film préférée, celle qu’ils sauveraient parmi toutes. Quentin Tarantino avait répondu que sa scène préférée était issue d’un film hongkongais. Il y avait aussi Ridley Scott. Et puis… moi ! J’avais complètement oublié ma présence à cette table ronde ! J’avais choisi la scène de l’alien qui sort de la poitrine de John Hurt dans Alien. Quand on y pense, on a du mal à croire qu’elle a déjà quarante ans. Elle est toujours terrifiante, encore aujourd’hui. Je pense qu’elle n’a pas vraiment reçu la reconnaissance qu’elle méritait.
Autres classiques de la science-fiction
Le Solaris de Tarkovski, tourné presque en même temps que 2001 de Kubrick, m’a beaucoup influencé. Il est extraordinaire de penser qu’il développait ce projet en URSS pendant que Kubrick se penchait sur son propre projet. Ce sont des géants et on se tient sur leurs épaules. Cela permet de relativiser.
À ce titre, nous avons passé une journée dans le Vomit Comet avec des journalistes pour faire la promotion du film Sunshine. Il s’agit d’un avion à gravité réduite qui permet d’expérimenter l’apesanteur, cela se trouve en Floride et vous coûtera 3 000 dollars le voyage, mais croyez-moi, cela en vaut la peine. Ce seront les 3 000 dollars les mieux dépensés de votre vie. Cet avion (un Boeing 747) est complètement hermétique ; on vous installe dans les sièges à l’arrière et tout l’intérieur est recouvert de matelas, du plafond au sol. Il n’y a pas de hublots. Vous prenez de l’altitude puis, à un certain point, on vous dit de vous lever, l’avion vole à grande vitesse, les moteurs font une poussée puis cette poussée se réduit, le nez de l’avion s’abaisse et vous vous retrouvez en apesanteur pendant environ 18 secondes. C’est une sensation incroyable. Pour ceux d’entre nous qui portent des lunettes, vous les enlevez et elles flottent devant vous. Il faut être très prudent, car on peut se blesser : en effet, lorsque vous êtes en apesanteur, et pour une raison quelconque, votre cerveau pense que vous tombez et il vous arrive de donner des coups à vos compagnons. Vous pouvez aussi vous couper. Mais à force, vous prenez l’habitude. On peut renverser l’eau d’une bouteille, elle flotte comme du mercure devant vous et vous l’attrapez. En restant debout, vous pouvez même sentir tous vos organes internes et votre sang circuler dans votre corps. C’est très sexuel. Il n’y a pas non plus de toilettes à bord, alors ils vous donnent un sac avec une éponge et vous disent : « Si vous devez y aller, vous devrez utiliser l’éponge. » Cela s’appelle la marche de la honte. Pendant notre vol, personne n’a osé y aller.
Contribution du physicien Brian Cox
Brian Cox a emmené Cillian Murphy au CERN pour lui expliquer le fonctionnement d’un accélérateur à particules et lui donner toutes les bases en physique. C’est un excellent physicien de télévision, on le voit souvent sur YouTube. Il ressemble d’ailleurs beaucoup à Cillian, c’en est troublant. Ils ne semblent pas vieillir, même si Cillian a pris un petit coup de vieux.
Le long processus des effets numériques
Il a fallu une année entière pour les terminer. Je suis sûr que cela irait plus vite aujourd’hui, mais à l’époque, cela nous a pris une éternité, par exemple pour montrer un homme en train de brûler… Nous n’avons pas arrêté de monter à tout-va. Ce que nous aurions dû faire, c’est nous arrêter, prendre six mois de congé, partir, attendre un peu, puis revenir. Mais nous avons continué à monter et à travailler, ce qui nous a conduits au-delà du point de saturation. Ce fut un film très difficile à faire. Bernardo Bertolucci a dit ceci : « Il faut toujours laisser une porte ouverte sur le plateau pour que la vie réelle puisse entrer ». Il parlait des imprévus, des choses qu’on rencontre de temps en temps pendant les tournages. Par exemple, une porte donnant sur le plateau est ouverte et une personne extérieure au tournage fait irruption sur scène, vous pouvez choisir de le laisser, il devient lui-même un personnage du film. Bien sûr, avec un film de science-fiction, ce n’est pas possible. Si vous laissez la porte ouverte, vous mourez tous. C’est un monde complètement clos, hermétique. L’espace est un environnement très hostile.
« Plus jamais de science-fiction » ?
Je pense que je resterai fidèle à ce serment que j’avais fait. Le problème, c’est qu’il faut s’adapter au public sans le heurter tout en restant réaliste. Par exemple, les objets ne ralentissent pas dans l’espace. Mais nous pensons tous que c’est le cas à cause de Kubrick et du stylo dans 2001. C’est très bizarre, et il faut savoir placer le curseur pour bien marquer la frontière entre ce qui est réel et ce qui ne l’est pas, entre ce que le public croit et ce qu’il se passe réellement.

Trance en 2013, un autre film, un autre genre (un mélange entre un film de braquage et un thriller psychologique, voire une comédie, avec des scènes sanglantes).
C’était prévu ainsi. Nous avons été engagés pour réaliser la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Londres en 2012. Ce travail a pris beaucoup de temps, plus de deux ans, et nous en avons profité pour tourner un film en parallèle. L’objectif était de faire un film divertissant. Nous l’avons tourné dans le même quartier de Londres que celui où l’on préparait les Jeux. Un jour, nous tournions, et le lendemain, nous participions à la cérémonie d’ouverture, et ainsi de suite. J’ai beaucoup aimé tourner ces scènes sanglantes. J’adore l’action et le côté cinétique, en mouvement, du cinéma. J’aime la forme cinétique et propulsive de la narration cinématographique. Le cinéma avance constamment, et nous devons avancer avec lui. Ce n’est pas vraiment un média qui invite à la réflexion. C’est quelque chose qui va toujours de l’avant, qui a de l’appétit et j’adore ça. J’avais également toujours voulu faire un thriller psychologique divertissant, et c’est ce que nous avons essayé de faire avec un bon casting composé de Vincent Cassel, Rosario Dawson et James McAvoy.
D’autres projets dans le domaine de l’horreur, de la science-fiction ou du thriller ?
J’aimerais beaucoup adapter l’Homme sans douleur (Ingenious Pain), de l’auteur britannique Andrew Miller. Ce roman, dont l’action se situe en Géorgie et en Grande-Bretagne, raconte l’histoire d’un garçon qui ne ressent aucune douleur, une condition médicale qui existe réellement et qui est très dangereuse. Il ne ressent pas davantage le plaisir. Il devient un fameux chirurgien et il va vivre des aventures amoureuses et tragiques.
Masterclass traduite par Guillaume Narguet
English version
Danny Boyle: ‘28 Years Later is a film that symbolises Britain’s isolation.’
Danny Boyle is a filmmaker known for his excess and huge international successes, from Trainspotting to Slumdog Millionaire, 127 Hours, Sunshine and Steve Jobs, Boyle has tackled just about every genre, imposing his style that blends pop culture with uncompromising social commentary, depicting society in its least flattering light. The ravages of drugs, aimless youth, claustrophobia, the price of fame, collective madness… these are just some of the subjects he regularly explores. With his fourteenth feature film, 28 Years Later, he revisits the story of 28 Days Later, a low-budget zombie film released in 2001 that foreshadowed 9/11, among other events. This time, it’s the Covid epidemic and Brexit that come to mind, in a Britain isolated from the rest of Europe and in lockdown. The story focuses on a small community that has settled on Lindisfarne, an island accessible at low tide, and survives as best it can, mainly following the footsteps of Spike, a twelve-year-old boy. It was during his visit to the BIFFF (Brussels International Fantastic Film Festival) last April to discuss 28 Years Later (released on 18 June), where Danny Boyle had already presented a preview of Shallow Grave, his very first feature film (1995), that he answered a few questions from À Rebours and gave a lecture, which we reproduce below in its main points.
À Rebours : For 28 Days Later, your ambition was not to make a zombie film, as you were neither a fan nor familiar with the horror film genre. You wanted to modernise the myth and avoid remakes and repetition. With 28 Years Later, which is the sequel, what is your purpose? Is the approach different? Did you follow the same logic as with Trainspotting, with a sequel twenty years later?
Danny Boyle : A few years ago, the screenwriter Alex Garland wrote a very good script about a virus that turned out to be a weapon of mass destruction designed by Chinese soldiers. But it didn’t materialise into an independent film, because this kind of script is more suited to a sequel to an existing film. So what did we do with it? It’s all about business. It’s a bit boring, but very important. The rights to the original film were already twenty years old, which corresponded to the duration of the initial contract with Fox. When Fox was bought by Disney in 2019, everyone expected the rights to be renewed and another contract to be signed for the planned release of the film. But we took back the rights, which was perfectly legitimate, and we said, « If you want to acquire the rights to this franchise [which had spawned 28 Days Later and 28 Weeks Later], which is still being seen and screened around the world and whose DVDs are still selling, you not only have to buy them, but you also have to commit to financing three additional films. We had indeed had the idea of a trilogy inspired by the original film. The virus is repelled by the French in England (which will greatly please the French) and continental Europe is spared from infection, which is now confined to the ‘cesspool’ of England and the British Isles. It was a deliberate decision on our part, as we wanted to make a film about England, even though part of the film takes place in Scotland. We were lucky that Sony came forward and financed the first two films in this trilogy. Each of the three films is independent of the others and stands on its own, so you can watch them in any order, as they do not overlap. However, there is one character who appears in all of them and who comes from the original film, and that is, of course, Cillian Murphy. He does not appear as himself in 28 Years Later. We have now shot the first two films (the second was directed by Nia DaCosta, who directed Candyman in 2021) and are currently raising funds for the third. But everything will depend on how the first film is received when it is released in June.
The main challenge was to avoid repetition. You find a good story that you really want to tell, even if you feel like you’ve already covered more or less the same theme, but it doesn’t matter, you go for it anyway because you’re convinced you have a really good idea for a film. There’s also a commercial aspect to consider, let’s not kid ourselves, especially nowadays when it’s increasingly difficult to raise money for films that are really interesting and stand out from the norm. It’s much easier to raise funds for a franchise that has already been successful with audiences. But that’s not the main reason we made 28 Years Later. We embarked on this adventure because we were passionate about the story, and because it is different enough from the original film to make it worth making a film. What we didn’t want to do was cloning the first film, even though you will find some familiar elements.
It’s always a bit embarrassing to revisit your first loves, like when you come across old family photos. You see yourself back on the set of your first film, when you were twenty years younger. But it’s still a privilege to be able to revisit this familiar world. It’s less obvious in this film because only one character from the original film returns, namely Cillian (even though he doesn’t appear as such in 28 Years Later, he is still a character in his own right in the trilogy). In T2 Trainspotting, we saw them all again, played by the same actors. Not to mention that your initial conception of the original film has changed in the meantime. It’s as if you offered a role to an actor, shot the film with him, and then, years later, you looked back and wondered, ‘Oh, what would it have been like with Sean Connery or someone else?’ You never quite remember the initial idea that prompted you to make the very first film, because everything evolves.
28 Days Later may have reminded us of epidemics like Ebola, and even of 9/11 (with a deserted Piccadilly Circus). Was the Covid pandemic a source of inspiration for your latest film?
I think the only connection we can make with Covid is the way we treat nature. During Covid, we all behaved a little strangely, barricading ourselves in our homes while wearing masks and other stupid stuff. We were living in a sanitised world. There is none of that in this film. However, during the Covid epidemic, many people heard birds singing and said to themselves, ‘Wow, I never really paid attention to that before.’ 28 Years Later is not an urban film, unlike the first one; it is a film about rediscovering nature. It takes place in the countryside, more specifically in Northumbria, a wild and beautiful region in the north-east of England, above Yorkshire. It begins in Lindisfarne, also known as Holy Island, a famous island separated from mainland England by a causeway, which is their real protection. This is where Christianity first entered the United Kingdom. It was also besieged by the Vikings. In the film, this is where the survivors gathered, lived all these years and protected themselves from the virus that was ravaging the continent. But the film also aims to ask how the virus has evolved and how we ourselves have evolved as well. What has happened to us and to Britain in the last 28 years? What has happened to the survivors? The most obvious event that has taken place in Britain in the interval between the first film and now is, of course, Brexit: we no longer belong to Europe. Isolation is therefore a common theme today, which we address indirectly, even though this is not a political film.
Confinement, or confined space (a house, a spaceship, an island, a canyon), in your films often leads to madness and primal fear. Why this obsession with enclosed spaces?
Because it’s very cinematic. I would even say that it’s a particularly British vision of cinema. In England, we don’t have the vast landscapes of America, so our perception of our surroundings is different. Nevertheless, there are some beautiful landscapes in this film. It all starts with this small, self-sufficient community: the main character is a child who leaves his family and community to go to the mainland. There’s something about that which could be described as very cinematic. I like the pressure placed on the individual and the group.
28 Days Later was a low-budget film. Did you stay with the same logic for the sequel or did you benefit from greater resources? Do you think that, for a filmmaker, having few resources can encourage creativity?
That’s for you to decide. For this one, we had a lot more money, which didn’t stop us from spending it! It was mainly used to scout locations, very remote places that were difficult to access. The further you get from civilisation, the more complicated it becomes. Human beings are present everywhere on the planet, so it’s difficult to erase all traces of their passage. That cost more than the special effects. Not to mention that all the crew members wanted to work for a more than decent salary. Given that the first film had been a huge success, we couldn’t pretend to be broke and ask the crew to volunteer their time for the cause. Nothing is free now. And even though 28 Years Later cost more than the first film, we tried to preserve the spirit of the film as much as possible. We used several types of cameras, including iPhones. People think the whole film was shot with an iPhone, but that’s not entirely true. We had the same flexibility as for the first film, which was shot entirely digitally (making it a pioneer in this field).
Pop culture plays a prominent part in your films, what is the reason ?
I always include a lot of cultural elements in my films, and pop culture is one of them; it’s very important to me. I don’t despise it at all; on the contrary, I consider it an integral part of elite culture. Pop songs are an elitist art form in my belief system. It’s interesting to note that the main character in the film is twelve years old, but the virus started spreading twenty-eight years earlier, so he has only known the era of the virus and doesn’t know what digital is. He has never heard pop songs or anything else. This was very contradictory because twelve-year-olds today are digital natives; they have grown up with it. They don’t know what the world is like without iPhones; they are completely saturated by this technology. If you try to make them understand that a world without technology existed and still is possible, they will not be able to conceive of it. I found this experience very interesting. That said, there is another form of culture in the film, which is that of memory: the memories of the survivors, which mainly concern everything related to the north-east of England. And they pass on these memories so that they don’t disappear.
Excerpts from the lecture given at the BIFFF (April 12th, 2025):
Danny Boyle’s youth
I come from a working-class Catholic background in Manchester and initially planned to become a priest. That was what my mother wanted. I see a lot of similarities between being a priest and being a director: you spend your time telling people what to do and how to think, etc. There are apparently many other examples in the history of cinema of directors who had a vocation to be priests: John Woo, Martin Scorsese… I was supposed to study at the seminary. A teacher at my school said to me, ‘I don’t think you should go down that path, you should wait a little longer.’ But my mother really wanted me to pursue it. For her, it was a dream; for me, it was a prison. In the end, I didn’t go, and I discovered girls… I ended up going to Bangor University in North Wales. I took my first steps in filmmaking, although I had already made films at school. We used to organise school assemblies, where I was in charge of telling people what to do (stand here, do that, that sort of thing, without really understanding what it involved). I continued at university, then found a job in the theatre as an assistant stage manager, responsible for driving the truck; that’s how you work your way up the ladder and end up directing small plays.
From an altar boy to a punk
I was very fortunate because punk movement arrived in the UK, when I was 18-19 years old, it was a very formative for me. I regard that kind of culture (pop culture, pop art, pop music) as a high art for me. I believe that there’s a very refined form of culture, the pop music you listen to, and I think you get that from the films. You can feel that from the films. So the new film is is scored by Young Fathers, a group from Edinburgh, an amazing bunch, and this is their first film they’ve ever scored. Before, we used a couple of their tracks in T2 Trainspotting. I was a kind of regular punk. I wasn’t like a Mohican punk or anything like that. I could hold up a job.
Connection between punk and genre cinema
Both are disrespectful, they despise conventions and good manners. I think that’s essential. I’ve always tried to apply that to my films: to attack trendsetters, arbiters of good taste, those who say things have to be done a certain way and not another. That’s who this disrespect is aimed at. There may be elements of punk that are unsustainable, and that’s the essence of the genre. I love that in horror films.
Cinema during Danny Boyle’s youth
There weren’t many arthouse cinemas around where I lived in Manchester. I used to go to a place called Hulme where there was one, the Aaben Cinema. It had four screens where you could see all these weird French and Spanish films that I didn’t really understand. I got into the habit of going to several screenings a day. I later found out that Morrissey used to go there too, at the same time, as we’re the same age. That first experience of the world of films had a profound effect on me and was formative. I remember when A Clockwork Orange came out, which I saw before it was banned (there’s a connection between that one and 28 Years Later, by the way). That film was fundamental. The Exorcist was another memorable film: as a Catholic, I found it difficult to watch because it’s a tough film, but it had an incredible power and effect on me.
Influence on his taste
Nicolas Roeg, who directed one of the greatest horror films of all time, Don’t Look Now. He didn’t follow the rules when it came to editing scenes; it went against the grain. Even today, people keep telling you, ‘You really should cut here, you shouldn’t do it like that.’ But that’s not how you work or think, and you want to shake up the masters of good taste I mentioned earlier.
Experience in theatre and television
I went to the Royal Court Theatre in London, a wonderful theatre for new writers. It specialises in new contemporary plays and has a great deal of respect for writers, a value that helped me enormously in my career. I wasn’t very familiar with that world; I had never been to the theatre before the age of 16. I found a part-time job there to earn some money and took the opportunity to attend all the shows, which amazed me. It was completely out of the ordinary for me, as people in my background didn’t go to the theatre. Then I seized an opportunity to work in film at the BBC in Northern Ireland. It was very dangerous in that area at the time. I had a friend who lived in Belfast, so I took the opportunity to join him. I applied for the job, knowing that appointments were always a serious issue depending on whether they were hiring a Catholic or a Protestant. To get around this problem, the BBC bigwigs preferred to recruit someone from outside Northern Ireland. So I got the job and learned how to use a camera by making one-hour TV films. Sometimes I called on other directors, such as my friend Alan Clarke, who directed Elephant. It’s an extraordinary film that greatly influenced Gus Van Sant’s own film Elephant about the Columbine tragedy (Alan Clarke’s film was set in Northern Ireland). The first film I directed was about football and featured a promising young player, George Bess. I did a series of odd jobs in television and shot a few episodes of Inspector Morse, one of which, in 1992, was about the world of acid house raves. It was the first time this world had been shown on British television, and it was in an episode of Morse, a very conventional series! One day, I received a script called Shallow Grave. I met the producer Andrew MacDonald and the screenwriter John Hodge and said to them, ‘You’ve plagiarised the Coen brothers, haven’t you?’ John confirmed this, and I replied, ‘Well, copy a bit more!’ We worked very well together and got a million pounds to make the film. It was shot in Glasgow (although the story is set in Edinburgh) and was completed in thirty days. There’s a theory, which I think is quite true, that the first film you make is always the best. It’s an interesting theory because, although it’s obvious that you improve with experience, that doesn’t necessarily mean you make better films over time. Take the Coen brothers, for example. They’ve made a series of masterpieces, but is there a better film in their filmography than Blood Simple, their very first? Probably not. My father saw all my films, right up to Slumdog Millionaire (he passed away shortly after). He often said after each new film was released: « Yes, it’s not bad, but it wasn’t as good as Shallow Grave. » The script for this film is also extremely unconventional. It was written by a doctor (doctors generally make very good writers because they have the privilege of observing us when we are in a state of great fragility and vulnerability and can bear witness to the terrible things we are capable of). They therefore have a wealth of raw material at their disposal. Add to that the very particular black humour of the Scots, and you get a script like Shallow Grave. We wanted it to be provocative, just like the Scots. I’m not Scottish, but when you work there with a Scottish team, you have to prove yourself, especially when you’re English. And that’s completely understandable. Stylistically, the viewer has to realise straight away that this is something other than a period drama or a feel-good romantic comedy. We were very lucky to find these actors to play the three horrible main characters. One of them, Chris Eccleston, went on to play Doctor Who for a while, and Ewan McGregor obviously became Obi Wan Kenobi.
Channel 4 raised the money for the film. In return, they imposed a guy on us to supervise us on set, but we didn’t get on with him at all and the atmosphere was quite tense… On the third day, we were shooting the morgue scene, where you see Christopher Eccleston’s head and then his dead body. We had spent the whole morning trying to shoot it properly, but we were having a lot of trouble. The guy from Channel 4, seeing that we were starting to fall behind schedule, told the financiers that the director had to be replaced (we found out through an accomplice who had infiltrated Channel 4). So we called the channel straight away and said that the guy had to be fired and that it was non-negotiable. They replied, ‘OK, but if you fall further behind schedule, we’ll fire you.’ » In short, we got rid of him and finished the scene on time. But in the end, we were short of money and had to sell the props, furniture, etc. to finance the remaining scenes of the film. As an anecdote, for that famous morgue scene, Chris Eccleston had to be locked in a morgue refrigerator, naked and covered with a sheet. But when we pushed him inside, he panicked, pushed with all his might to get out, and told us there were other bodies inside. Which was true… We couldn’t take them out, even for a day, because they would have decomposed. With that in mind, Chris let us know that he couldn’t continue. This tough guy really panicked when we closed the morgue drawer and filmed for 45 seconds (during which he was left alone), which is the length of the end credits. We ended up offering to put someone in the refrigerator with him to reassure him. If you listen closely to the soundtrack, you can hear someone whispering to Chris as the morgue door closes: ‘Everything will be okay.’
Collaboration with actors from Ireland and Scotland.
My background’s Irish. All my family spent a lot of time in the Northern Ireland. I’m from a northern town. So you tend to have an attitude towards London, even though I live in London now, which is to say: “It’s not really for me.” I work out of London whenever I can and I love working with Irish and Scottish actors. And Welsh ones as well. I work with Jonathan Pryce, who’s a wonderful actor from Wales.
Beginner’s mistakes
You’re embarrassed by this. When Ewan gets stabbed in the shoulder, that’s pretty dodgy kind of dummy. And you don’t quite know how to craft around it. But I think that’s part of the appeal because when the knife goes through his throat, I remember being in the audience when the film came out, people gasped. I thought that was pretty good. I was quite pleased about that. Now, everybody’s used to this violence.
The mute criminals in the film
They were a threat. It wasn’t that they had a back story or that you could explain them in any way. They were just a threat in the film, they were a force field that was threatening them. All that mattered was the three people in the flat and how they were going to behave. And they turned out to be much more frightening. Suddenly Chris Eccleston was much more frightening than these thugs who appeared to be the threat at the beginning. So, the real menace was actually contained within those three people at the beginning who humiliate that nice young man Cameron, and just make fun of him. They’re monsters in a way. That was always the idea of it, they were the three who were capable of anything. It’s a very bleak Scottish view.
A Life Less Ordinary flop
There used to be a rule in film distribution (but that has changed today with streaming): if a film was a huge hit somewhere, there was always another part of the world, say Slovakia, where it was a big flop, without anyone really knowing why, and vice versa: when a film flopped, you could always find a place (like Slovakia) where it was a success. The title comes from an English expression (‘life less ordinary’), which is widely used today, particularly in advertising. And it was the first time this expression had been used for a film title. I remember everyone saying it was a completely nonsensical title. That may be one of the reasons why the film was a terrible flop, except in Slovakia. I saw it again recently at the Bath Film Festival, in the city of Bath, where John Hodge lives (like Ken Loach). It’s a festival that’s a bit in the spirit of Jane Austen. Watching it again, I thought it was pretty good, even though I’m usually very critical of my work. It’s a fairly original romantic comedy.
Editing of 28 Days Later
The editor, Chris Gill, was extraordinary. He loved editing this film and working on the texture of the images (which had been shot with a very high shutter angle, giving the images a very sharp look that suited his editing style). Some of his touches are visible, others are almost imperceptible, but it’s very characteristic of his style.
Balance between quiet moments and bursts of violence
I think you always have to try to find a certain balance between moments of tension and quieter moments. Part of the fun of a horror film obviously lies in the suspense, in knowing that something is about to happen. And when it does happen, part of the fun is not being able to predict exactly how the action will unfold and how the characters will confront the dark forces surrounding them.
Screenwriter Alex Garland
Alex is primarily a novelist, and we adapted his novel The Beach with John Hodge. Alex came to the set several times and was clearly interested in the whole process of filmmaking. He has great artistic sensitivity and writes in a very cinematic way. So it was obvious that he wanted to try his hand at it. For 28 Days Later, he came up with his script, we worked on it, and then we got started on the film very quickly. One passage in his script mentioned a trip through the deserted streets of London, but it was only a paragraph. I loved that passage and, with his agreement, I wanted to turn it into a long opening sequence. The advantage was that I didn’t even need to do a lot of rewriting, everything was already ready to shoot, or almost. Alex writes very quickly after thinking long and hard about his subject (sometimes for months), like John Hodge. For those of us who don’t know how to write a script, it can be frustrating because he can literally write a script in a weekend.
I tried it myself on 127 Hours, and wrote a first draft. I’m not very good at writing dialogue; I find it quite difficult to humanise characters or make them monstrous while still being almost comical, which is John’s speciality. I can take care of the overall structure, and I love doing that. That’s how I work with screenwriters: I lay the groundwork, but I know my limits. We shot 28 Days Later in the streets of London in July 2001. We started very early in the morning, at 3:30 a.m., and we had a whole week of beautiful weather. At that time of year, you can only shoot for a few hours in London. You start when the light comes up and it’s beautiful, especially when there’s no one on the streets. We came across a few ravers coming out of clubs who thought it was fun to watch a film being shot. And we had the very clever idea of using pretty girls to stop the traffic, because we couldn’t afford to pay the police to do it. That’s a huge budget… For films like Mission Impossible, it’s not a problem, but for ours, it was mission impossible. On the other hand, you are allowed to ask drivers to stop for a certain amount of time. But we figured that if we asked men to stop the traffic, it would most likely end in a fight (at that time of day, there are mostly men behind the wheel, taxi drivers in particular). So we recruited a lot of pretty girls, including my own daughter, who was 18 at the time, to direct traffic. They simply leaned towards the cars and asked the drivers if they could wait a few minutes. And it worked! We were very lucky, we even got to film near Downing Street. We were just about to finish a scene when security guards arrived and asked us what we were doing there. I lied and told them we had permission, which of course we didn’t. They found out and I had to apologise profusely, saying it was a mistake. They replied that it wasn’t a big deal and that we should hurry up and finish. Today, that wouldn’t be possible; they’d shoot you before you even moved. Two months later, 9/11 happened, and that strangely changed the whole perspective of the film when it was released. It was the first feature film to really deal with the subject of mass panic and highlight the vulnerability of cities, which we thought were unassailable. Until then, they seemed to stretch out endlessly. And suddenly, a feeling of fear gripped city dwellers with the events of 9/11, and everything changed. I think that’s one of the reasons why the film resonated with audiences. Originally, the film was supposed to deal with the feeling of rage, that moment when you lose all self-control. The idea was to translate this feeling of rage into a virus that dominates everything, that you can’t get rid of. But in reality, when the film came out, the story was interpreted in a completely different, much more ambitious way: the vulnerability we were highlighting extended to all of humanity. We interviewed several artists to try to define how we should represent the infected. I remember talking to the Chapman brothers, Jake and Dinos, who make small figurines representing SS officers and other similar characters. They are part of the Saatchi art movement. According to them, the infected should be men with erections running around the set. We obviously didn’t go with that idea, but it was very useful to us. In any case, it would have been scary for everyone.
Atmosphere on set
The actors are excellent; 90% of the film rests on their shoulders. No matter what kind of drama you’re watching, if the acting is bad, you immediately lose interest. Unless you’re interested in something else entirely, it’s always good actors who make the difference. And we were very lucky to have Brendan Gleeson in the role of the father, Cillian, Naomi and a whole wonderful team.
Science fiction and Sunshine
I love real science fiction, hard science fiction, spaceships, confined spaces… But it has to be realistic. I’m not a big fan of fantasy or Star Wars. I’m more of an Aliens kind of guy. It’s often the same story: a ship receives a distress signal (from another ship or a planet) and responds, when it shouldn’t. We keep repeating the same story because we don’t yet have enough experience of what could happen in space; we haven’t explored it that much. Or we indulge in fantastical stories like Star Wars, where imagination takes over and we invent whatever we want. Hard science fiction is much more limited, until we discover a little more about this unknown world. The research undertaken for Sunshine was fascinating. We even learned that studies on pig sperm in space were underway. Why pig sperm? Well, researchers are wondering whether being in space can have an effect on sperm, because at some point we may conceive up there. And they’re trying to find out whether weightlessness, the space environment, radiation, etc. can have harmful effects.
Involvement in Alien 4
It was a really good script, by Josh Whedon. I remember I went to meet Sigourney Weaver, which was an extraordinary experience. I don’t know whether you’ve ever met anybody with translucent skin. You’re literally looking at them and you can see the veins in their skin moving, blood moving through them. Maybe I was just obsessed with her but it was inhuman, a very beautiful woman, obviously a wonderful, interesting woman as well. So I met her and Winona Ryder who was going to be in it. So I was set up to do it, but I couldn’t work out how to do the CG there. It was very early days for CG, but it was obviously moving towards CG. That was the idea away from the way that with the Scott had done it, with puppeteering, with kind of like Masai warriors in the suits and things like that. The old fashioned way of doing it. I couldn’t master the CG. I’ve learnt a lot more how to do it since then, but I’d lost confidence about doing that so I pulled out of it. I thought I can’t really, I won’t do the job very well.
CGs in Sunshine
It was a bit easier because the CG is outside the ship. We built everything else for real. But we built it all in the small studios in East London and for very little money. It looks like it’s worth a lot more money than it costs, which is a tribute to all the people who worked on it, the designers and the technicians. It was less than 20 million dollars. It sounds like an awful lot of money, obviously, but in terms of that kind of scale of films, it’s a lot less.
Actors in Sunshine
We wanted an international crew. It seemed obvious to us that this kind of mission would inevitably be multi-ethnic, so we selected the best actors. I had always wanted to work with Michelle Yeoh and Chris Evans, who has since become Captain America. Cliff Curtis is a wonderful Maori actor and a great guy. So are Troy Garity, Jane Fonda’s son, and Rose Byrne.
The influence of Alien
Alien had a big influence. I saw it again recently and still think it’s brilliant. I was shown a video where, as part of these roundtable discussions with directors organised for the Oscars, they were asked to choose their favourite film scene, the one they would save from all of them. Quentin Tarantino replied that his favourite scene was from a Hong Kong film. Ridley Scott was there too. And then… me! I had completely forgotten I was at that round table! I chose the scene where the alien bursts out of John Hurt’s chest in Alien.. When you think about it, it’s hard to believe it’s already forty years old. It’s still terrifying, even today. I don’t think it really got the recognition it deserved.
Other science fiction classics
Tarkovsky’s Solaris, filmed at around the same time as Kubrick’s 2001, had a huge influence on me. It’s extraordinary to think that he was developing this project in the USSR while Kubrick was working on his own. They are giants, and we stand on their shoulders. It puts things into perspective. On that note, we spent a day in the Vomit Comet with journalists to promote the film Sunshine. It’s a reduced-gravity aircraft that lets you experience weightlessness. It’s in Florida and costs 3 000 $ per trip, but believe me, it’s worth it. It will be the best 3 000 $ you ever spend. The plane (a Boeing 747) is completely sealed; you are seated in the back and the entire interior is covered with mattresses, from the ceiling to the floor. There are no windows. You climb to altitude and then, at a certain point, you are told to stand up. The plane is flying at high speed, the engines thrust forward, then the thrust is reduced, the nose of the plane drops and you find yourself weightless for about 18 seconds. It’s an incredible feeling. Those of us who wear glasses take them off and they float in front of us. You have to be very careful because you can hurt yourself: when you are weightless, for some reason your brain thinks you are falling and you may bump into your companions. You can also cut yourself. But you get used to it after a while. You can tip over a bottle of water, and it floats like mercury in front of you, and you catch it. Standing up, you can even feel all your internal organs and your blood circulating in your body. It’s very sexual. There are no toilets on board either, so they give you a bag with a sponge and tell you: ‘If you need to go, you’ll have to use the sponge.’ It’s called the walk of shame. During our flight, no one dared to go.
Contribution from physicist Brian Cox
Brian Cox took Cillian Murphy to CERN to explain how a particle accelerator works and give him all the basics of physics. He’s an excellent TV physicist, you often see him on YouTube. He looks a lot like Cillian, it’s uncanny. They don’t seem to age, even though Cillian has aged a bit.
The lengthy process of digital effects
It took a whole year to complete them. I’m sure it would be faster today, but back then it took us forever, for example to show a man burning… We didn’t stop editing and editing. What we should have done was stop, take six months off, go away, wait a while, then come back. But we kept editing and working, which led us beyond the point of saturation. It was a very difficult film to make. Bernardo Bertolucci said this: ‘You always have to leave a door open on set so that real life can come in.’ He was talking about the unexpected, the things you encounter from time to time during filming. For example, a door to the set is open and someone from outside the shoot bursts onto the scene. You can choose to let them stay, and they become a character in the film. Of course, with a science-fiction film, that’s not possible. If you leave the door open, you all die. It’s a completely closed, hermetic world. Space is a very hostile environment.
‘No more science-fiction’?
I think I’ll stick to the vow I made. The problem is that you have to adapt to the audience without offending them, while remaining realistic. For example, objects don’t slow down in space. But we all think they do because of Kubrick and the pen in 2001. It’s very strange, and you have to know where to draw the line between what’s real and what’s not, between what the audience believes and what’s actually happening.
Trance in 2013, another film, another genre (a mix between a heist film and a psychological thriller, even a comedy, with some bloody scenes).
That was the plan. We were hired to direct the opening ceremony of the 2012 Olympic Games in London. That took a long time, over two years, and we took advantage of that to shoot a film at the same time. The aim was to make an entertaining film. We shot it in the same part of London where the Games were being prepared. One day we’d be shooting, and the next we’d be taking part in the opening ceremony, and so on. I really enjoyed shooting those bloody scenes. I love the action and the kinetic, moving aspect of cinema. I like the kinetic and propulsive form of cinematic storytelling. Cinema is constantly moving forward, and we have to move forward with it. It’s not really a medium that invites reflection. It’s something that’s always moving forward, that has an appetite, and I love that. I’d also always wanted to make an entertaining psychological thriller, and that’s what we tried to do with a great cast including Vincent Cassel, Rosario Dawson and James McAvoy.
Any other projects in the horror, science-fiction or thriller genres?
I’d love to adapt Ingenious Pain by British author Andrew Miller. Set in Georgia and Great Britain, the novel tells the story of a boy who feels no pain, a medical condition that actually exists and is very dangerous. He also feels no pleasure. He becomes a famous surgeon and has a series of romantic and tragic adventures.